samedi 25 janvier 2014

Sebald

Miroirs de la Mémoire....


Martha de Fassbinder



Les mouvements de tous les voyages pouvaient être observés depuis la position centrale qu’occupait l’horloge de la gare d’Anvers, de même que tous les voyageurs devaient regarder cette horloge et ajuster leurs activités selon ses indications. En fait, dit Austerlitz, jusqu’à l’arrivée des indicateurs horaires des chemins de fer, les horloges de Lille et de Liège n’indiquaient pas la même heure que celles de Gand et d’Anvers, et ce ne fut pas avant qu’elles ne soient toutes standardisées, vers le milieu du dix-neuvième siècle, que le temps régna enfin en maître. C’était seulement en suivant le cours prescrit par le temps que nous pouvons nous hâter à travers les espaces immenses qui nous séparent les uns des autres. Et en fait, dit Austerlitz après un moment, à ce jour il y a quelque chose d’illusoire dans les rapports entre le temps et l’espace comme nous les ressentons en voyageant, ce qui explique pourquoi quand nous rentrons chez nous venant d’ailleurs, nous ne sommes jamais sûrs que nous avons été à l’étranger. Dès le départ, j’étais stupéfait par la façon dont Austerlitz rassemblait ses idées en parlant, formant des phrases parfaitement équilibrées sur n’importe quel sujet qui lui passait par la tête, pour ainsi dire, et la façon don’t, dans son esprit, le transfert de son savoir semblait devenir une approche graduelle d’une sorte de métaphysique historique, ramenant à la vie les évènements remémorés. Je n’oublierai jamais comment, sur le point du départ, il termina ses commentaires sur la fabrication des hauts miroirs de la salle d’attente en se demandant, jetant un dernier coup d’oeil sur leur surface scintillant faiblement, combien d’ouvriers périrent lors de la manufacture de tels miroirs, de malignes et fatales affectations à la suite de l’inhalation de vapeurs de mercure et de cyanide.

Sebald, Austerlitz
___________________________________________________________ Une approche sensible......


  1. Face à Sebald - livre de Dirigé par Mathieu Larnaudie et Oliver ...

    Note : 4 - ‎1 avis - ‎20,00 €
    18 sept. 2013 - Une trentaine d'auteurs évoquent la beauté et la mélancolie de l'écriture de W.G. Sebald. Né en 1944, sous le signe de Saturne, l'écrivain ...

samedi 18 janvier 2014

Juliet



Le miroir ou le regard qui s'inverse.....



Sunset Boulevard de Billy Wilder

Celui qui n’a pas
pénétré sa nuit
n’est pas descendu
dans l’abîme

que sait-il du regard
qui s’inverse
du face-à-face avec soi
des tourments qu’il entraîne

que sait-il
de l’âpreté du combat
du sans-fond de la détresse
des affres de l’agonie

que sait-il
de ce qui naît
du consentement 


Charles Juliet, Poèmes
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  1. Horspress - Entretiens avec Charles Juliet . . . . . . . . . . . . . . - recherche

    erato.pagesperso-orange.fr/horspress/juliet.htm
    Dans cette page consacrée à Charles Juliet, nous vous proposons deux interviews réalisées .... Mais je ne les ai pas lus comme auteurs du Nouveau Roman.

samedi 14 décembre 2013

Noel Bernard



Le miroir est-il notre chair ?


La voix bâtit de l’air
 un tissu de coups d’aile
 tissant les choses dites

la bouche a devant elle
 un vide si profond
 l’infini sur les lèvres




L'Homme invisible de James Whale



et je cherche l’inverse
 peau et sang veine et glande
 un contre-ciel de viande

le cerveau fait l’amour
 à la réalité
 cette viande est leur lit

mais la grandeur du monde
 a créé notre tête
 par désir d’un miroir

Bernard Noël, La moitié du geste
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Melville


Au-delà du Miroir, le vide...

    Au prix d'immenses efforts, nous nous frayons une voie souterraine dans la pyramide ; au prix d'horribles tâtonnements, nous parvenons dans la chambre centrale ; à notre grande joie, nous découvrons le sarcophage ; nous levons le couvercle et... il n'y a personne ! L'âme de l'homme est un vide immense et terrifiant.........

 Herman Melville. "Pierre ou les ambiguïtés"
(merci à Cyril Anton pour la publication de ces mots)



 Inside Llewyn Davis des Frères Cohen





 Concevez un homme par nature et infortune enclin au désespoir blafard, est-ce qu’aucun poste ne serait plus apte à le rehausser que celui de continuellement manipuler ces lettres perdues, et de les livrer aux flammes ? Parce qu’on les brûle annuellement par pleines charretées. Parfois, du tas de papier, le terne commis trouve une alliance : le doigt auquel elle était destinée, peut-être, est devenu cendres ; un billet de banque offert par élémentaire charité : et celui à qui il était destiné ni ne mange ni même n’aura plus jamais faim ; de l’espoir pour ceux qui meurent sans espoir ; de bonnes nouvelles pour ceux qui meurent suffoqués par de constantes calamités. Aux courses de la vie, ces lettres conduisent à la mort.
 Ah, Bartleby ! Ah humanité ! 

Melville, Bartleby.

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Un Must.....



vendredi 13 décembre 2013

Larronde


Sans éclat de l'Autre, le miroir ternit..........



Txwixt de Coppola


Je me dispute avec le soir fragile et casse 
Casse comme une vitre et j'ai plusieurs cadavres. 
On me recueille, on me recolle, et on se lasse : 
Je couche avec un coin de mur que mon air navre.

Olivier Larronde, Les barricades mystérieuses






Tu es mon auréole absente
Mon armure enflammée, si je me désaltère
À ce fleuve d'absence il irrigue ma terre
D'angoisse — où je me vois comme un dragon sans feu
Sans arme, sans éclat,
mais reposant ses yeux.

Olivier Larronde, Rien Voilà l’Ordre





Le secret magnifique de Douglas Sirk



Vos froideurs froissées,
 héritière Des rosées, 
 volent une et une. Aussi le nid du noir sans lune :
 Mes toutes-puissantes paupières. Horizon libéral assiège
 Moi : ce trou noir debout, colonne
 Où l'ombre pensive empoisonne 
 Un coeur sans main, sans bras d'acier. 
 Archet-né sonnons plein silence ! 
 Je crache au baiser d'air du temps Il bruit - flèche-moi - sans parler.
 Fais le jeu d'un biceps géant 
 Ma droiture ! Pour Qui te lance Sans yeux dehors ni au-dedans.

Olivier Larronde,  Rien Voilà l’Ordre

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A découvrir, publication prochaine....

Olivier Larronde ou la marche à la mort

Lorca Hassan Almohammed Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines, Université Blaise-Pascal, France

Résumé

La pensée de la mort inspire au poète français Olivier Larronde des images dynamiques. Ces images, particulièrement lugubres, s’inscrivent à la fois dans la vie et dans l’oeuvre du poète, suscitant une véritable marche à la mort (d’où l’intitulé de l’article). Dans l’écriture, les pensées et les images de la mort contribuent à une mise en scène, celle de la fin macabre du poète. D’un poème à l’autre, la mort est transcrite sous forme poétique. L’univers poétique de la pensée lugubre reflète, d’une part, l’analyse des images de la mort et, de l’autre, dévoile cette marche à la mort devenue l’écho intérieur de l’imaginaire matériel. Cet imaginaire est le miroitement d’une conscience foncièrement mélancolique qui traverse les poèmes de Larronde.
Mots clés : Poésie, mort, pensée, image

mercredi 11 décembre 2013

Pavese


Les étoiles sont les miroirs de la rue.....


Lost in translation de Sofia Coppola


Révolte.


Le mort est crispé contre terre et ses yeux ne voient pas les étoiles :
ses cheveux sont collés au pavé. La nuit est plus froide.
Les vivants rentrent à la maison et en tremblent encore.
On ne peut pas les suivre ; ils se dispersent tous :
l’un monte un escalier, l’autre va à la cave.
Certains marchent jusqu’à l’aube et se jettent dans un pré,
en plein soleil. Demain en travaillant, il y en a
qui auront un rictus de désespoir. Puis ça aussi passera.
Quand ils dorment, ils sont pareils aux morts : s’il y a une femme,
les odeurs sont plus lourdes mais on dirait des morts.
Chaque corps se cramponne, crispé, à son lit
comme au rouge pavé : la longue peine
qui dure depuis l’aube vaut bien une brève agonie.
Sur chaque corps s’englue une obscurité sale.
Seul de tous, le mort est étendu aux étoiles.
Il a aussi l’air mort cet amas de haillons
appuyé au muret, que brûle le soleil.
C’est faire confiance au monde que dormir dans la rue.
Entre les haillons pointe une barbe que parcourent
des mouches affairées ; les passants vont et viennent dans la rue,
comme des mouches ; le clochard est un fragment de rue.
La misère, comme une herbe, recouvre de barbe
les rictus et donne un air tranquille. Ce vieux-là
qui aurait pu mourir crispé dans son sang
a l’air au contraire d’une chose et il vit.
Ainsi, à part le sang, chaque chose est un fragment de rue.
Et pourtant, les étoiles ont vu du sang dans la rue.

Cesare Pavese , Révolte, Bois vert,* Travailler fatigue*
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A
lire et relire......


samedi 7 décembre 2013

Cercle 20 Giauque

                                   

                                            Cercle 20

Amour, A-mer....la mort a son miroir


Francis Giauque – Poème


Amer breuvage du silence
quand la dernière voix s’est tue
et qu’il faut repartir dans la nuit
seul face aux pans d’ombre
menacés par l’absence de toute clarté
amer breuvage du silence
distillé goutte à goutte
dans l’alambic souterrain des veines
on voudrait qu’un seul cri
arrache un frisson aux lichens de l’ombre
qu’un appel fraternel décime le troupeau
des mots pétrifiés dans la glace du mutisme





Le Feu Follet de Louis Malle




Dans le brasier de la mélancolie
j’ai jeté à pleine mains
les débris d’une étoile morte
où j’avais cru découvrir
une substance douce comme le miel
pure comme la robe de l’aube
à l’heure où le soleil
dégorge son acier aveuglant
parmi les pétales
de la première chanson
née sur les lèvres de la mer






Passing Fancy d'Ozu

L’Ombre et la nuit (extrait)

emportez-moi au loin
sur une mer de lave
où je pourrai enfin m’oublier
dans l’étreinte des poulpes
emportez-moi
dans la violence des entonnoirs
où dansent les noyés

je ne reviendrai jamais plus hanter
les quais des gares
les médecins ne joueront plus avec moi
je dormirai dans l’haleine
des feuilles mortes


-------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour découvrir Giauque.....

  1. Francis Giauque - Poezibao

    poezibao.typepad.com/poezibao/2005/11/francis_giauque.html
    22 nov. 2005 - Francis Giauque est né le 31 mars 1934 à Prêles, dans le canton de Berne, en Suisse. ... Toute l'actualité éditoriale de la poésie : textes dans l'anthologie permanente, ... Journal d'enfer et poèmes inédits, Papyrus, 1984.