dimanche 26 mai 2013

Pierre-Albert Jourdan



Le corps à nu......


Trois enterrements de Tommy Lee Jones




Je sais qu’il me faut porter ton blason

D’ocre et de brun de pierre grise

Le paraphe de ton chant

L’amoncellement des racines et des boucles

Je sais qu’il y a ce cri rauque

Dans ta bouche dévorée de bleu

Ce ploiement du regard

Lorsqu’il atteint les collines lointaines

femmes plus immobiles et stridentes d’été

Je sais les distances abolies

Te peau si proche

Le grain de ton sol sous les mots

Je sors dans ta lumière corps éclaté

Rendu à la vérité


Pierre-Albert Jourdan, Le bonjour et l'adieu


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Conseil de lecture.....



samedi 25 mai 2013

Follain



Le corps a ses secrets.....


Les Pas.

Les pas entendus 
le corps, les visages, les mains 
se fondent au village 
à grands arbres sculptés. 
Il n'y a plus de temps à perdre 
répète une voix. 
Ce sont pourtant les mêmes pas 
que dans la glaise des matins où 
brillaient le cuivre et l'étain. 
L'avenir se cache dans les plis 
des rideaux figés 
le pain fait la chair. 

 Jean  Follain, Exister



Historias minimas de Carlos Sorin




Les Passants

De l’arsenal des fards
l’une s’approche au bord du soir
tandis que son amant
vole un pain miraculeux
et puis ses longues jambes
artificieuses frémissent
quand sur le pavé mouillé
passent d’illustres dandies
l’un laisse sur son épaule
une feuille morte tombée
de l’arbre qui n’a plus de voix
et lui non plus ne dit mot
parce qu’il pose pour l’histoire
le gris fin de son vêtement
attend la tache de sang 
et son grand visage grec
ressemble étrangement
à celui qu’avait sa mère
au village de naguère.

Jean Follain, Exister

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Deux belles approches de Follain....




vendredi 24 mai 2013

Thomas Mann

   La Chair a un visage !



Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? de Robert Aldrich

Dorothéa avait vieilli, sa perfection froide et sévèrement soignée, sa beauté célèbre, acclamée, s'était flétrie avec une telle et si constante rapidité au cours des dernières années que la femme en elle n'avait pu tenir pied à cette métamorphose. Rien, ni l'art ni les remèdes, pas mêmes les plus pénibles et les plus répugnants, qu'elle avait employés à combattre sa déchéance, n'avaient pu empêcher de s'éteindre le doux éclat de ses yeux bleu sombre, de se former au dessous d'eux des poches de peaux flasque et jaunâtre, tandis que les merveilleuses fossettes de ses joues se creusaient en rides qui faisaient paraître d'autant plus dure et maigre la bouche fière et hautaine. Mais comme son coeur avait été aussi sévère que sa beauté et uniquement attaché à la conservation de cette beauté, comme sa beauté lui avait tenu lieu d'âme et qu'elle n'avait rien aimé ni voulu que l'effet exaltant de cette beauté, comme son coeur n'avait jamais battu pour rien ni pour personne, elle se trouvait à présent décontenancée et appauvrie, incapable de trouver en elle-même la force de se résigner à un nouvel état, et son équilibre mental en fut affecté. 

Thomas Mann, Altesse Royale.
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La Montagne magique


                          Lectures conseillées...

jeudi 23 mai 2013

H.Michaux,


 Le corps, un "non-lieu" ? Corps célestes et existences terrestres...


Corpo celeste dAlice Rohrwacher


Dans l'étroite salle 

qui cesse d'être étroite

calme vient à notre rencontre

un calme de bienvenue

composé d'allonges, d'allonges

abandons non dénombrés


Emplacement n'est plus ici

n'est plus là

on a cessé d'en avoir, d'en vouloir


Du cotonneux en tous sens

vacillant, indéterminé

sur le passé qui sombre


Tourments, tournants dépassés

un corps pourtant non disparu a coulé


Lieux quittés

Temps du calme continu

parfait

non modulé.


Temps dans lequel on ne sera plus déconcerté

divisé,

dans lequel rien n'interpelle,

où ne débouche phénomène aucun


Plus de rencontre

Monde sans gradins

ou aux milliers d'imperceptibles gradins

accidents indistinctement coulissant dans de similaires accidents


Egalisation 

enfin trouvée

enfin arrivée


qui ne sera plus interceptée.

On y vogue.


Jubilation à l'infini de la disparition des disparités. 

H.Michaux,  Postures


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A retrouver.....

Revue Plume

Créé par Jean-Michel Maulpoix, le bulletin Plume a paru sans interruption entre 1990 et 2000. Se transformant en revue à caractère scientifique, il renaît aujourd’hui sous forme électronique La revue publie des travaux récents sur le travail plastique et littéraire de Michaux, des correspondances ou des textes non inclus dans les volumes de la Pléiade.

dimanche 19 mai 2013

E.E. Cummings


Les Frissons de la Chair....


  1. L'Empire des sens de Nagisa Oshima 




J’aime mon corps quand il est avec ton

corps.   C’est une si toute nouvelle chose.

Muscle améliore et nerf plus donne.

j’aime ton corps.  j’aime ce qu’il fait,

j’aime ses comments.   j’aime sentir l’échine

de ton corps et ses os,et la tremblante

-ferme-douceur et que je veux

encore et encore et encore

embrasser, j’aime de toi embrasser ci et ça,

j’aime,lentement caressant le,choc du duvet

de ta fourrure électrique,et qu'est-ce qui arrive

à la chair s’écartant…Et des yeux les grosses miettes d’amour,


et possiblement j’aime le frisson

 de sous moi toi si toute nouvelle


E.E. Cummings, Poèmes choisis (traduits par Robert Davreu)

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Conseil de lecture....




Parution avril 2013 : E. E. Cummings, traduit par Jacques Demarcq


samedi 18 mai 2013

Gabriel Arnou-Laujeac.



L'Ame de la chair..........


Stalker de Tarkovski


    Avant de disparaître au loin, plus loin que l’œil humain puisse lancer sa flèche, les dieux secouèrent le firmament, firent chuter sur mon front quelques fragments d’infini, et insufflèrent en mon for la nostalgie de l’Absolu. Un tison ardent planté dans la chair tendre, dès la naissance : l’écho du silence frappant dans ma poitrine ; la présence en l’absence, jaillie de l’océan des âges  comme une vague d’équinoxe. Comment pouvais-je souffrir que l’on m’abandonnât aux chimères du devenir, que la plus éclatante des lumières me promît au crépuscule d’un âge sombre ?  Où que se tournait mon visage, je ne voyais qu’un monde aux temples  d’ombres,  et l’ombre  de  l’absence recouvrant chaque atome de l’univers : des troupeaux errer à la surface de la terre, leurs fronts cogner les parois d’un labyrinthe en trompe-l’œil ; des bergers nains, boursouflés de vents mauvais, démoraliser les masses pour mieux les dominer ; des mains anonymes détourner la grande roue de l’histoire dans les chambres froides du pouvoir ;  « la Bêtise au front de taureau » – vieille, laide et puissante – commander aux étoiles éteintes,  et aux quatre vents de cieux vidés de leur Dieu. Ce siècle sans ciel et sans ancrage n’était qu’un mirage ; cette poignée de sable jetée dans l’océan de l’existence, qu’une fable : ce n’était pas moi. Je le savais. Je l’éprouvais. Quoi que je fisse, je demeurais spectateur ; quoi que je visse, étranger au spectacle. Ces hordes de morts vivants qui titubent au bord du vide me donnaient le  vertige. Toute cette chair chaude  ivre du vin de l’oubli me donnait la nausée. Tout était trop laid pour être vrai. Je priais que l’on m’arrachât au long sommeil des Hommes, que l’on m’offrît amour et vérité, conjugués à l’éternel présent.

Plus loin qu'ailleurs, Gabriel Arnou-Laujeac.
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Résonance[S]: Plus loin qu'ailleurs (Gabriel Arnou-Laujeac .)   A suivre......
gabriel-arnoulaujeac.blogspot.com

G Trakl

Les sentiers nocturnes et mortifères du corps......


Dellamorte Dellamor de Michèle Soavi.

Ô l’enfer du sommeil ; ruelle sombre, jardinet brun. Dans le soir bleu sonne doucement la figure du mort. De petites fleurs vertes voltigent autour d’elle et son visage l’a abandonnée. Ou bien il se penche, devenu blême, sur le front froid du meurtrier dans l’ombre du couloir ; adoration, flamme pourpre de la volupté ; mourant, le dormeur est tombé dans l’obscurité par-dessus des marches noires. Quelqu’un t’a quitté à la croisée des chemins et tu regardes longtemps en arrière. Pas argenté dans l’ombre des petits pommiers estropiés. Le fruit luit pourpre dans les branches noires, et dans l’herbe le serpent change de peau. Ô l’obscurité ; la sueur qui apparaît sur le front glacé et les tristes rêves dans le vin, à l’auberge du village sous des poutres noircies par la fumée. Toi, contrée encore déserte, qui transforme la fumée brune du tabac en îles roses et qui tire du dedans le cri sauvage d’un griffon alors qu’il chasse autour de noirs écueils en pleine mer, au milieu de la tempête et de la glace. Toi, un métal vert et dedans un visage enflammé, qui veut partir et chanter les temps obscurs de la colline aux ossements et la chute en feu de l’ange. Ô désespoir, qui tombe à genoux dans un cri muet.

G Trakl, Métamorphose du Mal
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Lecture conseillée....
De Georg Trakl à Georg Trakl. La genèse de Blesse, ronce noire

Claude Louis-Combet

Résumé
La présentation par C. Louis-Combet de la biographie fantasmée de G. Trakl constitue une réflexion d'écrivain sur la genèse d'une de ses œuvres. Optant pour une désignation de soi à la troisième personne, il retrace un itinéraire à l'émotion continue et contenue, de l'ébranlement d'une rencontre ancienne à ce qu'il appelle une « chose de texte ». L'aspiration à la beauté apparaît au principe de la démarche d'amour d'écriture et de mort d'un couple fraternel incestueux et tragique. Dans l'ombre féconde du désir et de la détresse, une lecture-écriture se découvre soeur d'une autre, s'enracine et se déploie.