mercredi 19 décembre 2012

Joseph Conrad.

Voyage jusqu'au bout des Ombres.....

On se sentait tout petit, tout perdu, et pourtant, ce n'était pas absolument déprimant, cette sensation. Après tout, si on était petits, le bousier crasseux avançait - ce qui était exactement ce qu'on voulait. Vers où, dans l'imagination des pèlerins, je ne sais. Quelque endroit où ils espéraient quelque profit, je gage ! Pour moi il se traînait vers Kurz, exclusivement. Mais quand les conduites du vapeur se mirent à fuir, nous nous traînâmes fort lentement. Une longueur de fleuve s'ouvrait devant nous et se refermait derrière nous, comme si la forêt avait tranquillement traversé l'eau pour nous barrer le passage au retour. Nous pénétrions de plus en plus profondément au coeur des ténèbres. Quelle quiétude il y régnait ! La nuit parfois le roulement des tamtams derrière le rideau d'arbres remontait le fleuve et restait vaguement soutenu, planant en l'air bien au-dessus de nos têtes, jusqu'à l'aube. S'il signifiait guerre, paix ou prière, nous n'aurions su dire. Les aurores étaient annoncées par la tombée d'une froide immobilité ; les coupeurs de bois dormaient, leurs feux brûlaient bas ; le craquement d'un rameau faisait sursauter. Nous étions des errants sur la terre préhistorique, sur une terre qui avait l'aspect d'une planète inconnue. Nous aurions pu nous prendre pour les hommes prenant possession d'un héritage maudit à maîtriser à force de profonde angoisse et de labeur immodéré. Mais soudain, comme nous suivions péniblement une courbe, survenait une vision de murs de roseaux, de toits d'herbe pointus, un explosion de hurlements, un tourbillon de membres noirs, une masse de mains battantes, de pieds martelant, de corps ondulant, d'yeux qui roulaient ... sous les retombées du feuillage lourd et immobile. Le vapeur peinait lentement à longer le bord d'une noire et incompréhensible frénésie.

Au Coeur des Ténèbres de Joseph Conrad.


Barton Fink des Frères Cohen.

mardi 18 décembre 2012

Milosz



"Et l'ombre est pâle d'amour......"

Et surtout que


Et surtout que Demain n’apprenne pas où je suis -
Les bois, les bois sont pleins de baies noires -
Ta voix est comme un son de lune dans le vieux puits
Où l’écho, l’écho de juin vient boire.
Et que nul ne prononce mon nom là-bas, en rêve,
Les temps, les temps sont bien accomplis -

Jane Eyre d'Orson Welles



Comme un tout petit arbre souffrant de prime sève
Est ta blancheur en robe sans pli.
Et que les ronces se referment derrière nous,
Car j’ai peur, car j’ai peur du retour.
Les grandes fleurs blanches caressent tes doux genoux
Et l’ombre, et l’ombre est pâle d’amour.
Et ne dis pas à l’eau de la forêt qui je suis ;
Mon nom, mon nom est tellement mort.
Tes yeux ont la couleur des jeunes pluies,
Des jeunes pluies sur l’étang qui dort.
Et ne raconte rien au vent du vieux cimetière.
Il pourrait m’ordonner de le suivre.
Ta chevelure sent l’été, la lune et la terre.
Il faut vivre, vivre, rien que vivre…

 Milosz

Woolf




LES OMBRES FLOTTANTES DE WOOLF



Quelle est la belle phrase pour la lune ? Et la belle phrase pour l'amour ?


Ascenseur pour l'échafaud de Malle
De quel nom doit-on appeler la mort. Je ne sais pas.
Il me faudrait un langage intime comme en usent les amants,
des mots d'une syllabe comme en disent les enfants (...).
Il me faudrait un hurlement; un cri.


Virginia Woolf
Les Vagues

Alejandra Pizarnik

Présence d'Ombres.....


Gertrud de Dreyer



Quelqu'un parle. Quelqu'un me dit.

Extraordinaire le silence de cette nuit.
Quelqu'un projette son ombre sur le mur de ma chambre.
Quelqu'un me regarde avec mes yeux qui ne sont pas les miens.
Elle écrit comme une lampe qui s'éteint, elle écrit comme une lampe qui s'allume. Elle marche en silence. La nuit est une vieille femme la tête pleine de fleurs. La nuit n'est pas la fille préférée de la reine folle.
Elle marche en silence vers la profondeur la fille des rois.
De démence la nuit, de temps nul. de mémoire la nuit, d'ombres toujours.

Alejandra Pizarnik



dimanche 16 décembre 2012

Bernanos



La Nuit, une ombre envahissante !


Or je savais qu’à la faveur de la nuit les actes les plus ténus de notre vie sont en danger de resurgir; mais je savais aussi que la nuit pouvait estomper les plus graves, les faire rouler dans le torrent des choses révolues.

Bernanos




Un escalier pour s'élever vers la Nuit.....
Edward aux mains d'argent de Burton

Pierre-Albert Jourdan


La Nature en son ombre !


Emmanuelle Riva dans le film de Fréju, Thérèse Desqueyroux
               Marcher
Pierre et poussière du chemin,

homme désagrégé, homme comblé
tout entier dans cette image de son sang,
de son avenir de silence ;
lente et lourde pierre poussiéreuse
qui dévale le sang abrupt,
long cri se délivrant
de l’étouffant tableau de calme inaccessible

le corps soudain se connaît cible,
se fait violence
à portée de la masse obscure
qui l’étreint. 


Pierre-Albert Jourdan, In Le bonjour et l’adieu, © Ce torrent d’ombres 

Pizarnik


Les Ombres de la solitude.................................


PRÉSENCE D'OMBRE

Quelqu'un parle. Quelqu'un me dit.
Extraordinaire le silence de cette nuit.
Quelqu'un projette son ombre sur le mur de ma chambre.
Quelqu'un me regarde avec mes yeux qui ne sont pas les miens.
Elle écrit comme une lampe qui s'éteint, elle écrit comme une lampe qui s'allume. Elle marche en silence. La nuit est une vieille femme la tête pleine de fleurs. La nuit n'est pas la fille préférée de la reine folle.
Elle marche en silence vers la profondeur la fille des rois.
De démence la nuit, de temps nul. de mémoire la nuit, d'ombres toujours.


  1. Alejandra Pizarnik



....ET LES OMBRES DE LA VILLE !



                                                            Film d'Olivier Asselin.