dimanche 27 janvier 2013

Henri Bosco



L'éveil des eaux !


Quand j'ouvris les yeux l'aube se levait. D'abord je vis le ciel. Je ne vis que le ciel. Il était gris et mauve, et seul, sur un fil de nuage, très haut, un peu de rose apparaissait. Le vent 
tissait, plus haut encore, d'autres fils à travers un treillis léger de vapeurs; et, du côté de l'aube, une buée d'or pâle se levait lentement de la rivière. Un oiseau lança un appel, peut-être était-ce une bouscarle. Son cri hardi et coléreux éveilla le coassement discret d'une grenouille. Puis un vol de plumes mouillées froissa les touffes de roseaux et tout autour de notre barque le murmure confus des bêtes d'eau, encore invisibles, monta: tous les bruits, tous les soupirs, des mouvements furtifs, un clapotis, des gouttelettes, ce plongeon d'un rat effaré, là-bas cet oiseau vif qui s'éclabousse, le choc d'un éboulis, le glissement d'une sarcelle qui se faufile entre les joncs, un rauque appel, la rousserole, tout à coup, le sifflet du loriot, et déjà, sous un saule du rivage, le roucoulement de la tourterelle... J'écoutais. Par moments la brise de l'aube passait sur ce monde irréel, ces lieux uniquement sonores, et les plantes des eaux s'éveillant du silence, pliées par le souffle, bruissaient doucement. La barque ne remuait pas. Comme un flotteur de liège, elle paraissait si légère qu'à peine tenait-elle à l'eau... 



Stand by me de Rob Reiner

Henri Bosco, L'enfant et la rivière

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