mardi 5 février 2013

Pier Paolo Pasolini,


Le Miroir nous rappelle !


Rocco et ses frères. Visconti

Ô mes enfances

Ô mes enfances ! Je nais
dans l’odeur de la pluie
exhale des prairies
d’herbe vive… Je nais
dans le miroir du canal.

Dans ce miroir Casarsa
– comme les prairies de rosée –
de tout temps frissonne.
C’est là que, de piété, je vis,
lointain enfant du péché,

dans un rire inconsolé.
Ô mes enfances, le soir
colore l’ombre serein
sur les vieux murs : au ciel
la lumière éblouit.

Pier Paolo Pasolini, , La Meilleure jeunesse

lundi 4 février 2013

J.L. Borges


Le Miroir sait ?????



Les Feux de la rampe, Chaplin

La nuit, parfois, j'aperçois un visage

Qui me regarde au fond de son miroir ;

L'art a pour but d'imiter ce miroir

Qui nous apprend notre propre visage."


J.L. Borges, Art poétique (extrait)

Rodenbach


La sagesse deux fois perdue, le miroir se brise!

"Aucune femme aimée, aussi douce que fût sa ressemblance, n’a consenti que morte à se confondre absolument avec l’image de la femme, sa seule image et la même toujours, royale et sainte libératrice. L’amour ; le deuil. La sagesse deux fois perdue derrière son pur miroir, et trois fois retrouvée » (Armel Guerne à propos d'Aurélia de Nerval )


Glaces obliques où s’encadrent des profils équivoques de rues ; pièges miroitants qui capturent, à leur insu, tout le manège des passants, leurs gestes, leurs sourires, la pensée d’une seule minute en leurs yeux — et répercute tout cela dans l’intérieur des maisons où quelqu’un guette.
Ainsi, grâce à la trahison des miroirs, on connut vite toutes les allées et venues de Hugues et chaque détail du quasi concubinage dans lequel il vivait maintenant avec Jane. L’illusion où il persistait, ses naïves précautions de ne l’aller voir qu’au soir tombant greffèrent d’une sorte de ridicule cette liaison qui avait offusqué d’abord, et l’indignation s’acheva dans des rires.
Hugues ne soupçonnait rien. Et il continua à sortir quand le jour décline, pour s’acheminer, en de volontaires détours, vers la toute proche banlieue. Comme, à présent, elles lui furent moins douloureuses, ces promenades au crépuscule ! Il traversait la ville, les ponts centenaires, les quais mortuaires au long desquels l’eau soupire. Les cloches, dans le soir, sonnaient chaque fois pour quelque obit du lendemain. Ah ! ces cloches à toutes volées, mais si en allées — semblait-il — et déjà si lointaines de lui, tintant comme en d’autres ciels…

Les chaussons rouges de Michael Powell
Et le trop-plein des gouttières avait beau dégouliner, le tunnel des ponts suinter des larmes froides, les peupliers du bord de l’eau frémir comme la plainte d’une frêle source inconsolable, Hugues n’entendait plus cette douleur des choses ; il ne voyait plus la ville rigide et comme emmaillotée dans les mille bandelettes de ses canaux. La ville d’autrefois, cette Bruges-la-Morte, dont il semblait aussi le veuf, ne l’effleurait plus qu’à peine d’un glacis de mélancolie ; et il marchait, consolé, à travers son silence, comme si Bruges aussi avait surgi de son tombeau et s’offrait telle qu’une ville neuve qui ressemblerait à l’ancienne.

Rodenbach, Bruges-La-Morte

Lubicz-Milosz,


Le Miroir sans tain ou le possible retour...



Le vieux fusil de R Enrico
























J'ai senti mon cœur saisi
Par un son de clavecin
Sourd, jauni, quasi défunt,
Trouble comme le parfum
De pluie et de parchemin
Des in-folio latins
Et proche et pourtant éteint
Comme un moi-même indistinct
Au fond d'un miroir sans tain,
Étrange, secret tintouin
Intérieur et lointain,
Une de ces pauvres gammes
De bémols couverts, chagrins,
Qui réveillent dans les âmes
La sainte odeur des matins

De la claire adolescence
Et du profond des jardins
Et de l'eau dans le silence
Et du soleil sur le pain
Et du miel dans les faïences
Lourdes de mil huit cent vingt.
Et soudain, comme l'enfant
Ferme ses main étrangleuses
Sur le moineau grelottant
Trop tôt envolé du nid,
Oui, — qui le croirait ? — soudain
Comme quand j'avais vingt ans
(Enfant épris d'une enfant)


Lubicz-Milosz, La Gamme.(extrait)


Deguy Michel,


Je est un autre, Tu est mon Miroir !

Il est besoin d’un lecteur d’un geste d’un papier
D’un miroir Tu es visage ma feuille mon échancrure
Je suis le tissu pour que tu sois ton vide La surface
Pour que froisse la main L’aber où l’eau s’aiguise
Racine où le sol tressaille Ton blanc mon noir
Le creux pour ma difficulté le blanc pour que je sois
ce dessin que je ne serais pas Tu es peau pour
mon alphabet J’étais l’air pour que tu n’engorges

Sur la route de Madison d'Eastwood
Alvéole pour que tu fusses arcade

Deguy Michel, Madrigaux

dimanche 3 février 2013

Thierry Metz


Le miroir d'Orphée tient dans l'intime du regard....

La frontière de l'aube de Philippe Garrel


Orphée dans la Marne, avec de plus en plus de choses, avec de moins en moins d'êtres, séparé non par ce qu'on a mais par ce qu'on est.
L'Orphée de tous ces instants, en recherche, en quête... qui n'a peut-être plus envie de se retourner. L'ayant devant lui, le miroir qui s'efface.
Aller, c'est aller avec la mère. C'est l'approcher autant de la voix que du corps.
Mais son fils est mort et je dois aller.
Pourquoi cette autre noce ?
Trop certaine aura été cette langue qui n'est, peut-être, que le prototype d'une autre.
Mais il y a heureusement aussi ce qui en exprime l'œuvre. Et c'est cette condition qui permet d'aller et, peut-être, de revenir.
Je n'emporte rien puisque tout tient dans l'intime et immense espace du regard.
Des instants de ciel sans les pas.

Thierry Metz Carnet d’Orphée .

Philippe Jaccottet


L'encre serait de l'ombre, le miroir, la voix du

 jour .....


         Ciel. Miroir de perfection. Sur ce miroir tout au fond, c’est comme si je voyais une porte s’ouvrir.






Le jour se lève, Carné


N'écoutez plus le bruit de nos soucis,
ne pensez plus à ce qui nous arrive,
oubliez même notre nom. Ecoutez-nous parler
avec la voix du jour, et laissez seulement
briller le jour. Quand nous serons défaits de toute crainte,
quand la mort ne sera pour nous que transparence,
quand elle sera claire comme l'air des nuits d'été
et quand nous volerons portés par la légèreté
à travers tous ces illusoires murs que le vent pousse,
vous n'entendrez plus que le bruit de la rivière
qui coule derrière la forêt; et vous ne verrez plus
qu'étinceler des yeux de nuit...


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