samedi 9 mars 2013

Benjamin Péret


Les pierres ont un respire.....



Tree of life de Mallick




DORMIR DANS LES PIERRES

 Assise flamberge assis vents
 la mer se décolore et le rouge domine
 le rouge de mon cœur est le vent de ses îles
 le vent qui m’enveloppe comme un insecte
 le vent qui me salue de loin
 le vent qui écoute le bruit de ses pas décroître sur mon ombre 
si pâle qu’on dirait un poisson volant
 As-tu senti les cheveux se dénouer comme les aiguilles d’une pendule
 et le souffle des pierres s’atténuer de crainte que les mains ne les remarquent
 As-tu senti la sève jaillir hors des arbres de paille
 et se répandre sur les fleuves 

Benjamin Péret, Dormir dans les pierres

vendredi 8 mars 2013

Angèle Paoli



Prendre le chemin "des pierres"....



Plissés de pierre

L'Homme de cendres de Nouri Bouzid



Tu arpentes d’un mur à l’autre
en suivant d’obscurs escaliers
les remparts en ruine de ta mémoire
des pans entiers se dérobent
sous tes pas incertaine
tu cherches où trouver un appui
rampes de limailles
escaliers de soie dure
échancrures crénelées
plissés de pierre
argentés
invisibles moucharabieh

Angèle Paoli.(Poème déniché dans *Terres de Femmes*)

William Faulkner


La seule trace, une pierre tombale.....



Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson
On laisse si peu de trace, voyez-vous. On naît, on essaye ceci ou cela sans savoir pourquoi, mais on continue d’essayer ; on naît en même temps qu’un tas d’autres gens, tout embrouillé avec eux, comme si on s’efforçait, comme si on était obligé de faire mouvoir avec des ficelles ses bras et ses jambes, mais les mêmes ficelles sont attachées à tous les autres bras et jambes et tous les autres essayent également et ne savent pas non plus pourquoi, si ce n’est qu’ils se prennent dans les ficelles des autres comme si cinq ou six personnes essayaient de tisser un tapis sur le même métier mais avec chacune d’elles voulant tisser sur le tapis son propre dessin ; et cela ne peut pas avoir d’importance, on le sait, ou bien Ceux qui ont installé le métier à tisser auraient un peu mieux arrangé les choses, et pourtant cela doit avoir de l’importance puisque l’on continue à essayer ou que l’on est obligé de continuer, et puis tout à coup tout est fini et tout ce qui vous reste est un bloc de pierre avec quelque chose de griffonné dessus, en admettant qu’il y ait quelqu’un qui se souvienne ou qui ait le temps de faire mettre le marbre en place et d’y faire marquer quelque chose, et il pleut dessus et le soleil brille dessus et au bout d’un peu de temps on ne se rappelle plus ni le nom ni ce que les marques essayaient de dire, et cela n’a pas d’importance. 

William Faulkner, Absalon, Absalon!

Ossip Mandelstam


Le tremblement irascible des pierres......


Nous ne saisissons que par la voix
Ce qui a laissé là-bas sa griffure, a lutté,
Et nous promenons la mine durcie
À l’endroit que la voix désigne.
Je romps la nuit, ardente craie,
Pour graver les signes de l’instant,
J’échange le bruit contre le chant des flèches,
L’ordre contre le tremblement irascible.


There will be blood de Paul Thomas Anderson
Qui suis-je ? Non l’honnête maçon,
Ni le couvreur, ni le navigateur :
Moi, être au visage double, et l’âme hybride,
Je suis ami de la nuit, initiateur du jour.
Béni, celui qui a baptisé le silex
Disciple de l’eau courante,
Béni, qui d’une lanière a noué
Le pied des monts à leur solide socle.

Désormais, j’étudie ce journal intime :
Les égratignures du burin de l’été,
Langage de silex et d’air
Aux strates de ténèbres, aux nappes de lumière,
Et je veux enfoncer les doigts
Dans le chemin pierreux issu de l’ancien chant,
Comme une plaie où fondre entre ses lèvres
Le galet avec l’eau, la bague et le fer à cheval.

Ossip Mandelstam, Poèmes.

mercredi 6 mars 2013

Philippe Jaccottet


Les pierres n'ont pas d'âge !


   En passant devant l’une des dernières fermes restées des fermes, ici tout près : le petit verger à l’abandon, les murs délabrés en bordure du chemin, le grand noyer au-dessus de la Chalerne – pourquoi tout cela me semble-t-il si « vrai », c’est-à-dire ni aménagé, ni orné, ni truqué ? Ces pierres usées, tachées, prêtes à retourner au sol d’où on les a extraites, ces très vieux arbres cassants, hirsutes, qui ne produiront plus que des fruits acerbes – et l’eau, sans jamais aucun âge.



Ran de Kurosawa

Rien qu’une touffe de violettes pâles


Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits

René Char


 Les Pierres s'en souviennent.....encore!




A l'Ouest rien de nouveau de Lewis Milestone 
    Les pierres se serrèrent dans le rempart et les hommes vécurent de la mousse des pierres. La pleine nuit portait fusil et les femmes n’accouchaient plus. L’ignominie avait l’aspect d’un verre d’eau.
   Je me suis uni au courage de quelques êtres, j’ai vécu violemment, sans vieillir, mon mystère au milieu d’eux, j’ai frissonné de l’existence de tous les autres, comme une barque incontinente au-dessus des fonds cloisonnés.

 René Char, Faction du muet

Antonin Artaud



Le Silence des Pierres....



Belle place aux pierres gelées
Dont la lune s’est emparée
Le silence sec et secret
Y recompose son palais
Or l’orchestre qui paît ses notes
Sur les berges de ton lait blanc
Capte les pierres et le silence.





Stalker de Tarkovski



C’est comme un ventre que l’amour
Ébranle dans ses fondements
Cette musique sans accent
Dont nul vent ne perce l’aimant
La lumière trempe au milieu
De l’orchestre dont chaque jour
Perd un ange, avance le jour




Rien qu’un chien auprès du vieillard
Ils auscultent l’orgue en cadence
Tous les deux. Bel orgue grinçant
Tu donnes la lune à des gens
Qui s’imaginent ne devoir
Leurs mirages qu’à leur science.


Antonin Artaud , Silence