jeudi 24 janvier 2013

Robert Desnos/cercle 9


                                                

                       Cercle 9

   
L'Arbre de pluie, et ses eaux dormantes


Hiroshima mon amour de Resnais


                           Il faut parler des ifs comme on parle des morts
                           Du pelage d'automne enrobant l'eau qui dort
                           
                           Le lilas oiseau-lyre ouvrant ses ailes blanches
                           C'est un flocon de neige qui plane sur les branches
                           
                           Et le doux peuplier les calèches du vent
                           L'entraînent au galop de leurs chevaux piaffant
                           
                           Ambre liquide ourlant la rive des forêts
                           L'écorce du bouleau tisse sa voie lactée
                           
                           Le sapin familier de ses aiguilles brunes
                           Faufile la voilure attachée à sa hune
                           
                           Et la pluie dans les mains frêles des marronniers
                           Glisse et s'effrite comme la vie d'u prisonnier
                           
                           Mais le chêne fixé sur un socle de marbre
                           Semble un berger figé parmi son troupeau d'arbres
                           
                           Si je nomme le charme une allée se dénoue
                           Une source enchâssée à son collier de houx
                           
                           Et je ne sais que dire à ces obscurs témoins:
                           Tilleuls rompant le soir leur graine de parfums
                           
                           Pommiers de gloire au flanc des collines couchés
                           Saules tremblants comme une fille effarouchée
                           
                           A tous ceux qui s'en vont cherchant dans la nuit noire
                           La charnelle vêture et l'humaine mémoire

                           Robert Desnos
                

Yves Bonnefoy


L'Arbre, veille sur nos fragilités.....

Take Shelte de Jeff Nichols
Nous regardions nos arbres, c'était du haut
De la terrasse qui nous fut chère, le soleil
Se tenait près de nous cette fois encore
Mais en retrait, hôte silencieux
Au seuil de la maison en ruines, que nous laissions
À son pouvoir, immense, illuminée.

Vois, te disais-je, il fait glisser contre la pierre
Inégale, incompréhensible, de notre appui
L'ombre de nos épaules confondues,
Celle des amandiers qui sont près de nous
Et celle même du haut des murs qui se mêle aux autres,
Trouée, barque brûlée, proue qui dérive,
Comme un surcroît de rêve ou de fumée.

Mais ces chênes là-bas sont immobiles,
Même leur ombre ne bouge pas, dans la lumière,
Ce sont les rives du temps qui coule ici où nous sommes,
Et leur sol est inabordable, tant est rapide
Le courant de l'espoir gros de la mort.

Nous regardâmes les arbres toute une heure.
Le soleil attendait, parmi les pierres,
Puis il eut compassion, il étendit
Vers eux, en contrebas dans le ravin,
Nos ombres qui parurent les atteindre
Comme, avançant le bras, on peut toucher
Parfois, dans la distance entre deux êtres,
Un instant du rêve de l'autre, qui va sans fin.

Yves Bonnefoy

mercredi 23 janvier 2013

Didier Manyach


L'Arbre, du sang sur les branches.....

L'Etrange incident de Wellman






















L'olivier dans le champ de pierres sèches 
laves nouées, flammes autour des corps
crevasses, huile verte dégoulinante au long des branches
des troncs mutilés
ce feu pétrifié sur les écorces.
Recouverts de ce qui obscurément les hante, crucifiés
couchés, abattus, sans pouvoir se résigner
à s’écrouler tout à fait
une plaie au travers du flanc.
L’eau qu’ils n’ont jamais trouvée
les olives qu’ils ne produisent plus
cette obstination pourtant à durer...
Leurs mains sont bleues comme la nuit :
on dirait qu’ils se dressent
que la lumière de l’Été les transfigure...

Didier Manyach, Impacts de Foudre (extrait)

d’Hermann Broch


Les racines majuscules des forêts !


Tarkovski

La Mort de Virgile d’Hermann Broch 

Oh fourrés de voix qui enveloppent chacun de nous : chacun y marche à l’aventure pendant toute sa vie, il marche, il marche, et pourtant il est cloué sur place dans l’impénétrable forêt de voix, il est pris dans les racines de la forêt, qui s’enfoncent par-delà tous les temps et tous les espaces .

 Ramures et tentacules de voix se superposent, mais  comme l’'impact de foudre désolant les enchevêtrements de la forêt, la terre ne reflète rien, ni le Ciel, ni la Beauté, elle ne peut qu’assumer son  néant, la quête du  miroir divin se heurte à la seule Voix possible, celle du Silence.

mardi 22 janvier 2013

Alejandra Pizarnik



De la métaphore des fleurs et de l'arbre, le jardin du silence d'Alejandra...


Regard jeté du cloaque
peut être une vision du monde

la révolte consiste à regarder la rose
à s’en pulvériser les yeux


Un regard jeté du cloaque 



Au hasard Balthazar de Robert Bresson





J'ai fait le saut sur moi à l'aube.
J'ai laissé mon corps avec la lumière
et j'ai chanté la tristesse de ce qui est né.


Arbre de Diane.

Alejandra Pizarnik


lundi 21 janvier 2013

Mario Luzi,



    Bien loin de la sérénité des cimes..........Solitude et folie!





Sunset Boulevard de Billy wilder

QUE DE VIE


« Que de vie ! » une voix aiguë d’enfant s’élève
là où une foule d’oiseaux arrachés à leur gazouillement de branche en branche
s’enfuit dans l’effeuillement du bois sous le froid contre jour,
trace un sillage de plumes et de cris, abandonne les phrases brisées
d’un discours qui achoppe, fête
et fuite, tandis que des hommes à l’affût
en préparent le massacre ; « que
de vie ! » répètent des derniers, ces plus lumineux battements d’ailes
sur toute la broussaille entre mer et marais […]
car on ne perçoit jamais la vie
si fort qu’au moment de sa perte.



Mario Luzi, « Du fond des campagnes », L’Incessante Origine

Armel Guerne




  • Les Arbres oniriques de Novalis  ou la

     lumineuse...

    Camille de R.C Snallwood

     exploration de l'Invisible.......


    Serait-elle épuisée à la fin, la sève qui nourissait depuis toujours la forêt millénaire?
    A travers le feuillage bruissant des vérités et des erreurs vivantes, dont chaque hiver alimentait la terre et que renouvelait chaque printemps immensément profond (...), quelqu'un peut-il encore, aujourd'hui que les racines sont muettes et les troncs morts, sous la nature anéantie par la technique et l'abstraction, quelqu'un peut-il encore deviner, au lieu du désespoir, la souveraine, l'immense et infinie présence de la nature éternelle?
    Rien ne saurait nous y aider mieux que l'oeuvre laissé si grand ouvert par Novalis, la geste salutaire de celui qui poussa ses chemins le plus loin de tous, et le plus près, dans la lumineuse exploration de la nuit et la pénétration sensible de l'invisible.

    Armel Guerne , Novalis ou la vocation d'éternité