mercredi 30 janvier 2013

Mario Luzi


Iles originelles !





Tabou de Murnau
NATURE

La terre et à elle accordée la mer
et partout au-dessus, une mer plus joyeuse
à cause de la rapide flamme des moineaux
et du trajet
de la lune reposante, et du sommeil
des doux corps entrouverts à la vie
et à la mort dans un champ ;
à cause aussi de ces voix qui descendent
s’échappant de mystérieuses portes, et bondissent
au-dessus de nous comme des oiseaux fous de revenir
en chantant au-dessus des îles originelles :
ici, se préparent
un grabat de pourpre et un chant qui berce
pour celui qui n’a pu dormir,
si dure était la pierre,
et si tranchant l’amour.

Mario Luzi, La Barque in Prémices du désert.

Piero Bigongiari

Dériver à même la Terre !

Nous regardions du haut des rochers rouges la mer


Des doigts solaires tendent une main
à ton dernier instant surhumain :
c'étaient les doigts qui tremblaient parmi les
herbes agitées et les riches ombelles
d'un haut plateau ; les uns renvoyaient
en arrière la mer sur une rive ; les autres
corrigeaient tout à coup une dérive.



A travers les rapides de Mauritz STILLER 


Tout dans un humain qui ne semble pas
tel, perdu après le talisman
perdu par ton regard sur les rochers
rouges : il faisait froid ; la vague hurlait, écueil
écumeux dans les criques qui poussaient
toujours plus loin notre voyage :
Anthéor était déjà un ante hoc...


Maintenant il est ici, dans la violence féroce
de la mort qui peut-être se défend,
je pense, du tremblement liquide de la vie
dans son seau agité.
Tu le portais, tu le portes, près du feu :
il est transparence, jeu du destin
qui a perdu la partie : un seau flamboyant


près de ce limpide ou déjà rauque ?
écoulement de ce qui ne s'imagine pas parce que
il n'a pas d'image. L'ennemi a disparu,
même l'horizon qui fut ami
de nos cris : ici dans l'air épais
quelque chose s'attarde dans le foisonnement
solitaire de l'amour avec lui-même.



Piero Bigongiari, extrait de Ni terre ni mer,

DIDIER MANYACH


Retour en terre....

Teshigahara  La Femme des sables.


Apprendre à ne plus être qu’un étranger, sans retour possible. Jours et nuits sous un ciel vide.
Il y a opaque, les fissures littorales, des cris aigus, les sources et des phrases retrouvées. On fait semblant de faire du bruit avec sa bouche mais il n’y a que la mort.
... Tout recommence à zéro. Un grain de sable balayé dans le nombre infini. Chair d’ombelle soufflée de l’autre côté de la rive...


MIGRATION, PIRATERIE ET MERVEILLE DE GRÂCE
DIDIER MANYACH

mardi 29 janvier 2013

Cormac McCarthy Cercle 10


                                          Cercle 10


       Des eaux douces au sable des mers, la terre reste une "ILe" !



    Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes. On pouvait les voir immobiles dressées dans le courant couleur d’ambre où les bordures blanches de leurs nageoires ondulaient doucement au fil de l’eau. Elles avaient un parfum de mousse quand on les prenait dans la main. Lisses et musclées et élastiques. Sur leur dos il y avait des dessins en pointillé qui étaient des cartes du monde en son devenir. Des cartes et des labyrinthes. D’une chose qu’on ne pourrait pas refaire. Ni réparer. Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus anciennes que l’homme et leur murmure était de mystère.
(extrait1)



L'Eternité et un jour, d'Angelopoulos



   Il pensait qu'il pourrait encore y avoir des navires mortuaires quelque part au large, à la dérive avec leurs lambeaux de voiles qui pendaient comme des langues. Ou de la vie dans les profondeurs. De grandes pieuvres se mouvant sur le fond marin dans la froide obscurité. Faisant la navette comme des trains, leurs yeux de la taille de soucoupes. Et peut-être qu'au-delà des vagues en deuil il y avait un autre homme qui marchait avec un autre enfant sur les sables gris et morts. Peut-être endormis séparés d'eux par à peine une mer sur une autre plage parmi les cendres amères du monde ou peut-être debout dans leurs guenilles oubliés du même indifférent soleil. 
(Extrait 2)

LA Route de Cormac McCarthy

Supervielle


"L'enfant et la rivière", d'un poète l'autre !

Louisiana story,  de Robert J. Flaherty


De sa rive l'enfance
Nous regarde couler :
« Quelle est cette rivière
Où mes pieds sont mouillés,
Ces barques agrandies,
Ces reflets dévoilés,
Cette confusion
Où je me reconnais,
Quelle est cette façon
d'être et d'avoir été ? »
Et moi qui ne peux pas répondre
Je me fais songe pour passer aux pieds d'une ombre.

Jules Supervielle, L'enfant et la rivière

Gadenne,

Penser l'eau !!!  


Après la pluie, Kurosawa


 Il crut entendre dans le jardin comme de l'eau qui coulait. Cela semblait ruisseler du haut du ciel, en un mince filet rapide et bavard, et se répandre sur les jeunes feuilles, de branche en branche. Le bruit s'éloignait, se rapprochait, limpide, intarissable, secoué de légers soubressauts.
 Parfois, il s'interrompait net, puis reprenait, avec une sorte de familiarité, d'insolence, comme les choses qui ne sont pas faites pour s'arrêter... 

Paul Gadenne, L'Intellectuel dans le jardin.

Gadenne



Au-dessus des nuages, le Néant ?


Ami de l'eau ami du ciel ami des arbres
Le vent m'enferme en son ressentiment
Le pavé crie le passant me désarme
Le ciel me brûle et ne me répond pas

Bad Lieutenant de Ferrara
Paul Gadenne, La Petite ourse.