jeudi 21 novembre 2013

Woolf

Les eaux troublantes de Woolf.....

Mais, si l’on s’asseyait au milieu des joncs pour regarder l’étang -les étangs exercent une curieuse fascination, on ne sait laquelle- , les lettres noires et rouges, le papier blanc semblaient une simple pellicule sous laquelle roulait une vie aquatique profonde, tel un esprit qui songe et médite. Bien des gens avaient dû y venir au fil de leur vie, au fil des âges, laisser tomber une pensée dans l’eau, lui poser une question, comme on le faisait soi-même en ce soir d’été. Peut-être était-ce le secret de cette fascination : il retenait dans ses eaux toutes sortes de rêves, de plaintes, de confidences, non pas imprimées ou dites à voix haute mais à l’état liquide, flottant les unes sur les autres, presque désincarnées. Un poisson les traversait, se faisait couper en deux par la lame d’une roseau ; la lune les annihilait de sa grande assiette blanche. Le charme venait de ce que, les gens partis, leurs pensées étaient restées et, sans leurs coprs, entraient vagabonder le temps qui leur plaisait, libres liantes et amicales dans l’étang commun."
La fascination de l’étang,Virginia Woolf 

Top of the Lake de Jane Campion


  Je sombre sur les noirs plumets du sommeil ; ses ailes touffues pèsent sur mes yeux. Voyageant à travers l'obscurité je vois les plates-bandes étirées, et Mrs. Constable qui surgit derrière l'herbe de la pampa et accourt pour m'annoncer que ma tante est venue me chercher en voiture. Je m'élève ; je m'échappe ; avec mes bottines à ressorts je passe par-dessus la cime des arbres. Mais voilà que je tombe dans la voiture devant la porte d'entrée, où elle est assise dodelinant ses aigrettes jaunes, les yeux durs comme des billes de verre. Oh, m'éveiller de mon rêve ! Regardez, voici la commode. Il faut que je me sorte de ces eaux. Mais elles s'amassent sur moi ; elles me ballottent entre leurs dos énormes ; je suis retournée ; je suis renversée ; je suis étirée, parmi ces longues lumières, ces longues vagues, ces sentiers sans fin, où des gens me poursuivent, me poursuivent.

Les Vagues de Woolf


Juillet a été couleur de vent et d'orage. Aussi, au milieu du mois, il y a eu, cadavérique, terrifiante, cette flaque grise dans la cour, alors que, une enveloppe à la main, je portais un message. Je suis arrivée à la flaque. Je n'ai pas pu la franchir. J'ai perdu mon identité. Nous ne sommes rien, ai-je dit, et je suis tombée. J'ai été balayée comme une plume. J'ai été emportée par un souffle dans des tunnels. Puis avec précaution, j'ai posé le pied. J'ai mis la main contre un mur de brique. Je suis revenue à moi avec beaucoup de peine, j'ai réintégré mon corps au-dessus de la flaque grise et cadavérique. Voici donc la vie à laquelle je suis destinée.

Les Vagues de Woolf


Stomboli de Rossellini



Je vous suis très reconnaissant à vous les hommes en toges noires, et à vous, les morts, de nous avoir guidés, de nous avoir protégés ; et pourtant, le problème demeure. Les différences ne sont pas encore résolues. Les fleurs hochent la tête devant la fenêtre. Je vois des oiseaux sauvages, et des pulsions plus sauvages que les oiseaux les plus sauvages surgissent de mon cœur sauvage. J'ai le regard sauvage ; les lèvres fortement serrées. L'oiseau vole ; la fleur danse ; mais j'entends toujours le fracas sourd et lugubre des vagues ; et la bête enchaînée piaffe sur la plage. Elle piaffe et piaffe.

Woolf, Les Vagues


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Lecture conseillée....
  1. V. Woolf, Mrs Dalloway - Fabula

    www.fabula.org/actualites/v-woolf-mrs-dalloway_57731.php
    26 juin 2013 - Mrs Dalloway Virginia Woolf Nicolas Boileau, Juliana Lopoukhine, Simone David (Traducteur) DATE DE PARUTION : 14/06/13 EDITEUR ...


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