mercredi 28 janvier 2015

Cercle 22...Vitre...Fondane.

                   Cercle 22......Derrière la vitre....




Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan 


J’étais en train
de lire un livre
quand tout à coup
je vis ma vitre
emplir son oeil absent d’oiseaux légers et ivres

Oui, il neigeait.
La folle neige!
Elle tombait
tranquille et fraîche
dans le coeur tout troué comme un filet de pêche.

C’était si bon!
et j’étais ivre
de ces flocons
heureux de vivre
que ma main oublieuse, laissa tomber le livre!

En ai-je vu
neiger la neige
dans le coeur nu !
Ah Dieu ! Que n’ai-je
su garder dans mon coeur un peu de cette neige !

Toujours en train
de lire un livre!
Toujours en train
d’écrire un livre!
Et tout à coup la neige tranquille dans ma vitre!


Benjamin Fondane, Tout à coup.


dimanche 19 octobre 2014

Manyach


Visages "sans Ages".....

Dans les Âges successifs du sol
Dans les racines de son Double
Dans l’incendie des mondes
propagé sur la terre...
Sur l’abîme d’un visage
comme une lance plantée dans l’ombre
Sur les sables enfermant un corps
respirant dans les fonds...
... Puis ces comètes éteintes
dans le château solaire
La neige carbonique recouvrant
des villes flottantes

Les Damnés de Visconti

leurs mains fouillant les décombres.

2
L’Heure teintait au nadir des vies antérieures...
Elle apparut dans l’ovale fenêtre
à travers les rayons d’or
Libérant le noir désir de l’orage en toi.
Comment peux-tu murmurer ainsi son nom :
Celle qui se dénude dans tes membres ?
... Oh n’entrez pas dans le royaume
avant que la terre nous recouvre !
Et que les climats se dissipent à l’avant du navire
comme la voile des abysses...
3
Dans la géométrie de la pensée
Sous la pierre tombale
Dans la forêt des limbes
Dans la lumière
JUSQU’À L’ENSOLEILLADE...

J’habite la déchirure des régions disparues
les drailles et les frontières
le fleuve tumultueux
les cendres encore tièdes...
La Vie reviendra t’elle ?
Je gis, au milieu du Temps, dans son devenir...

Didier Manyach, L'Ensoleillade.
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Extrait de Piraterie, Migration et Merveille de Grâce....A commander encore et encore..La suite, bientôt....



  1. Didier Manyach - Editions K'A

    www.editionska.com › LivresParaules
    11 nov. 2013 - ISBN 979-1-914355-05-5 prix de vente 15€ Migration Piraterie et merveille de grâce regroupe les receuils suivants : REMONTÉS DES FONDS ...



mercredi 15 octobre 2014

Beckett



Un monde sans visage...

Que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions
où être ne dure qu’un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l’oubli d’avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensemble s’engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures
haletant furieux vers le secours vers l’amour
sans ce ciel qui s’élève
sur la poussière de ses lests




Les Hautes Herbes de Mathieu Gérault

que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd’hui
regardant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à virer loin de toute vie
dans un espace pantin
sans voix parmi les voix
enfermées avec moi


Samuel Beckett, extrait de Dieppe
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A redécouvrir, les correspondances....




  1. "Cette vie est terrible": Beckett par lui-même - 21 mai 2014 ...

    bibliobs.nouvelobs.com › BibliobsDocuments
    21 mai 2014 - Actualité > Bibliobs > Documents > "Cette vie est terrible": Beckett




dimanche 21 septembre 2014

Michaux




Le masque du vide ou l'envers du décor 


Le Narcisse noir de Michael Powell



Souvent réapparaissent, dans le retrait de moi-même, les masques du vide.
Les masques que prend le vide ne sont pas pleins.
Ce ne lui est pas nécessaire.

Quelques traits infimes veillent à le masquer; y suffisent.
Assurément, il est là, on

l'oublierait presque......Ces masques vont

ordinairement par deux et s'impriment, frêles mais durs, dans le disque achevé de l'univers.

On pourrait croire à des gestes, à l'algèbre de gestes arrêtés dans un cataclysme pompéien.
Mais aucune trace de cataclysme.
Au contraire une étrange immobilité, et partout dans le
Spectre même de la puissance, la succion effroyable du
Vide.

Il y a aussi les déserts du matin, jonchés d'animaux morts...


 Henri Michaux, Épreuves, Exorcismes
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Approche incontournable:

  1. Les chemins de traverse d'Henri Michaux

    www.maulpoix.net/traverse.html
    Fragments de Jean-Michel Maulpoix sur Henri Michaux. ... Sous le masque de l'adulte important, il discerne le visage du nouveau-né, ses yeux glauques qui n'y 

vendredi 29 août 2014

Daumal


  1. Le visage de l'autre est un frisson....




    Paris Texas de Wenders


     " La peau du fantôme "

    Je traîne mon espoir avec un sac de clous,
    je traîne mon espoir étranglé à tes pieds,
    toi qui n'es pas encore,
    et moi qui ne suis plus.

    Je traîne un sac de clous sur la grève de feu
    en chantant tous les noms que je te donnerai
    et ceux que je n'ai plus....
    Dans la barque, elle pourrit, la loque
    où ma vie palpitait jadis;
    toutes les planches furent clouées,
    il est pourri sur sa paillasse
    avec ses yeux qui ne pouvaient te voir,
    ses oreilles sourdes à ta voix,
    sa peau trop lourde pour te sentir
    quand tu le frôlais,
    quand tu passais en vent de maladie.

    Et maintenant j'ai dépouillé la pourriture,
    et tout blanc je viens en toi,
    ma peau nouvelle de fantôme
    frissonne déjà dans ton air.

    Daumal
     (Merci à Patricia Suescum pour la découverte de ce poème)
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    A (re)découvrir)

    La Bleue


    René Daumal

    Tu t'es toujours trompé



lundi 25 août 2014

Ancet



La bouche noire des visages....



c’est là devant on regarde
la pièce vide le jour
arrêté sur la fenêtre
dans les yeux on voit venir
ce qu’on a jamais pu croire
on bat des cils on va dire
mais comment dire on se tait



Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo



on attend on n’entend rien
on voit passer la lumière
plus loin là où les visages
brillent des morceaux de neige
restent suspendus aux branches
goutte à goutte ils étincellent
et s’évaporent on écoute


Jacques Ancet, La lumière et les cendres
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La lumière et les cendres | 15 mars 2014

VIENT DE PARAÎTRE

JACQUES ANCET
La lumière et les cendres
milonga pour Juan Gelman
édition bilingue : préface et traduction de Rodolfo Alonso
Editions CARACTÈRES



dimanche 24 août 2014

woolf



Sous le visage, le silence....




Fiona d'Amos Kollek


    C’est curieux de voir hésiter les gens à la porte de l’ascenseur. Passeront-ils ici, ou là ? Leur individualité s’affirme par le choix : ils sortent. Une nécessité les pousse, l’obligation misérable d’aller à un rendez-vous, d’acheter un chapeau, sépare ces beaux êtres humains si parfaitement unis tout à l’heure. Quant à moi, je n’ai pas de but, je n’ai pas d’ambition. Je me laisse porter par le courant. La surface de mon esprit glisse comme un pâle ruisseau reflétant les objets qui passent. Je suis incapable de me rappeler mon passé, la forme de mon nez ou la couleur de mes yeux, ni quelle est l’opinion que j’ai généra-lement de moi-même. Ce n’est qu’aux moments critiques, en traversant une rue, sur le rebord d’un trottoir, que mon instinct de conservation se saisit de moi, et m’arrête devant un autobus. Décidément, nous tenons tout à vivre. Puis, de nouveau, l’indifférence m’envahit. Le vacarme des voitures, le passage de figures pareilles qui se dirigent tantôt ici, tantôt là, me transportent dans un rêve d’intoxiqué, et les traits s’effacent des visages. Les gens pourraient tout aussi bien passer à travers moi. Et qu’est-ce moment du temps, ce jour entre les jours où je me trouve pris ? Le grondement de la circulation pourrait être tout aussi bien le vaste murmure des forêts ou le rugissement des fauves. La roue du temps a reculé d’un tour : nos progrès si récents sont anéantis. En vérité, nos corps sont nus. Nous ne sommes que légèrement recouverts de tissus soigneusement boutonnés, et sous ces trottoirs se cachent des coquillages, des ossements, et du silence.

 Les Vagues de Virginia Woolf
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A lire: très bel article d'Angèle Paoli sur Woolf.




  1. Virginia Woolf | Sombrer dans le bleu - Terres de femmes

    terresdefemmes.blogs.com/.../virginia-woolfsombrer-dans-le-bleu.html
    29 juin 2010 - Virginia Woolf, Le temps passe [Times passes, 1926], Le Bruit du temps, 2010. Édition bilingue. Traduction de l'anglais par Charles Mauron.