jeudi 29 novembre 2012

Trakl

Miroir, mon beau miroir.......


 Le calme des défunts…

Le calme des défunts aime le vieux jardin,
La démente qui habita des chambres bleues
Le soir, paraît la forme calme à la fenêtre
Mais elle rabattit le voilage jauni
Le ruissellement des perles de verre évoquait notre enfance
Nous trouvâmes de nuit un astre noir au bois
Dans le bleu d’un miroir bruit la douce sonate
De longs enlacements
Plane son souris sur la bouche du mourant.

Trakl ..........(Traduction Lionel-Edouard Martin)







 Les Fraises sauvages  et  le Septième sceau de Bergmann

Knut Hamsun,


 La psyché en peine ou le miroir sans tain !




Je me sentais délicieusement vide, sans contact avec ce qui m’entourait, et heureux de n’être vu de personne. J’étendis les jambes sur le banc et me renversai en arrière ; ainsi je pouvais sentir tout le bien-être du détachement. Il n’y avait pas un nuage dans mon âme, pas une sensation de malaise, et aussi loin que pouvait aller ma pensée, je n’avais pas une envie, pas un désir insatisfait. J’étais étendu les yeux ouverts, dans un état singulier ! j’étais absent de moi-même, et je me sentais délicieusement loin.


Knut Hamsun, extrait , La Faim
    
The Servant de Losey

                           

Ombre ou Miroir ? Monstre ou "trop Humain"? Shelley

M le Maudit, Lang.


Du milieu de ces ténèbres, surgit soudain devant moi la lumière... Une lumière si éclatante et si merveilleuse, et pourtant si simple, qu'ébloui par l'immensité de l'horizon qu'elle illuminait, je m'étonnai que, parmi tant d'hommes de génie, dont les efforts avaient été consacrés à la même science, il m'eût été réservé à moi seul de découvrir un secret aussi émouvant.          Marie Shelley, Frankenstein

  • Nosferatu de Murnau

Robert Musil



La Face éteinte des reflets.......

L'Inconnu du Nord-Express d'Hitchcock
Mais les choses ne sont pas tellement différentes chez les autres hommes. Au fond, il en est peu qui sachent encore, dans le milieu de leur vie, comment ils ont bien pu en arriver à ce qu'ils sont, à leurs distractions, leur conception du monde, leur femme, leur caractère, leur profession et leurs succès ; mais ils ont le sentiment de n'y pouvoir plus changer grand-chose. On pourrait même prétendre qu'ils ont été trompés, car on n'arrive jamais à trouver une raison suffisante pour que les choses aient tourné comme elles l'ont fait ; elles auraient aussi bien pu tourner autrement ; les événements n'ont été que rarement l'émanation des hommes, la plupart du temps ils ont dépendu de toutes sortes de circonstances, de l'humeur, de la vie et de la mort d'autres hommes, ils sont simplement tombés dessus à un moment donné. Dans leur jeunesse, la vie était encore devant eux comme un matin inépuisable, de toutes parts débordante de possibilités et de vide, et à midi déjà voici quelque chose devant vous qui est en droit d'être désormais votre vie, et c'est aussi surprenant que le jour où un homme est assis là tout à coup, avec qui l'on a correspondu pendant vingt ans sans le connaître, et qu'on s'était figuré tout différent. Mais le plus étrange est encore que la plupart des hommes ne s'en aperçoivent pas ; ils adoptent l'homme qui est venu à eux, dont la vie s'est acclimatée en eux, les événements de sa vie leur semblent désormais l'expression de leurs qualités, son destin est leur mérite ou leur malchance. Il est arrivé ce qui arrive aux mouches avec le papier tue-mouches : quelque chose s'est accroché à eux, ici agrippant un poil, là entravant leurs mouvements, quelque chose les a lentement emmaillotés jusqu'à ce qu'ils soient ensevelis dans une housse épaisse qui ne correspond plus que de très loin à leur forme primitive. Dès lors, ils ne pensent plus qu'obscurément à cette jeunesse où il y avait eu en eux une force de résistance : cette autre force qui tiraille et siffle, qui ne veut pas rester en place et qui déclenche une tempête de tentatives d'évasion sans but ; l'esprit moqueur de la jeunesse, son refus de l'ordre établi, sa disponibilité à toute espèce d'héroïsme, au sacrifice comme au crime, son ardente gravité et son inconstance, tout cela n'est que tentatives d'évasion. Celles-ci expriment simplement, en fin de compte, qu'aucune entreprise juvénile ne paraît issue d'une nécessité intérieure incontestable, quand bien même elles l'expriment de manière à laisser entendre que toutes ces entreprises étaient urgentes et indispensables. Quelqu'un, n'importe qui, invente un beau geste nouveau, intérieur ou extérieur… Comment appeler cela ? Une attitude vitale ? Une forme dans laquelle l'être intérieur se répand comme le gaz dans un ballon de verre ? Une ex-pression de l'im-pression ? Une technique de l'être ? Ce peut être une nouvelle taille de moustache ou une nouvelle pensée. C'est du théâtre, mais tout théâtre a un sens, et dans l'instant, comme les moineaux sur les toits quand on leur lance des miettes, les jeunes âmes se jettent là-dessus. Ce n'est pas difficile à comprendre : quant au dehors pèsent sur la langue, les mains et les yeux un monde lourd, cette lune refroidie qu'est la terre, des maisons, des mœurs, des tableaux et des livres, et quand il n'y a rien au-dedans qu'un brouillard informe et toujours changeant, n'est-ce pas un immense bonheur que quelqu'un vous propose une expression dans laquelle on croit se reconnaître ? Quoi de plus naturel si l'homme passionné s'empare de cette forme nouvelle avant l'homme ordinaire ? Elle lui offre l'instant de l'Être, de l'équilibre des tensions entre le dedans et le dehors, entre l'écrasement et l'éclatement. Ainsi, songeait Ulrich (et tout cela, bien sûr, le touchait aussi personnellement, il avait les mains dans les poches et son visage rayonnait d'un bonheur silencieux et endormi, comme si, dans les rayons du soleil qui s'enfonçaient là-bas en tournoyant, il était en train de mourir d'une douce mort par le froid), ainsi, il n'y a pas d'autre cause à ce phénomène toujours recommencé qu'on appelle "nouvelle génération", "pères et fils", "révolution intellectuelle", "changement de style", "évolution", "mode" ou "renouvellement". Qu'est-ce donc qui fait de cette soif de rénovation de l'existence un perpetuum mobile, sinon la malencontreuse interposition, entre le Moi vrai, mais brumeux, et le Moi des prédécesseurs, d'un pseudo-Moi, d'une âme de groupe dont chacun se déclare à peu près satisfait ? Pour peu qu'on soit attentif, on pourra toujours deviner, dans le dernier avenir entré en scène, les présages du futur "bon vieux temps". Alors, les idées nouvelles n'auront guère que trente ans de plus, mais elles seront apaisées, légèrement empâtées, elles auront fait leur temps : rappelez-vous, quand on aperçoit, à coté du visage miroitant d'une jeune fille la face éteinte de sa mère ; ou bien, elles n'auront pas eu de succès, elles se seront émaciées et ratatinées jusqu'à n'être plus que ce projet de réforme dont un vieux fou que ses cinquante admirateurs appellent le grand Untel, s'était fait le champion.

L'Homme sans qualités, Musil

mardi 27 novembre 2012

Paul Celan

Ce qui luit.....

Silence ! J’enfonce l’épine dans ton cœur,
car la rose, la rose,
Bresson
est debout au miroir parmi les ombres, elle saigne !


Paul Celan



tu reposes près de moi dans le sable,
étoilée au-dessus de toi.


Est-ce un rayon
qui perça jusqu’à moi ?
Ou bien était-ce la sentence
que l’on rendit contre nous ?
Qui répand cette lumière ?


Ce qui luit, Celan


lundi 26 novembre 2012

Michel Butor,


Gertrud de Dreyer.....et le miroir éphémère de la présence!



Cela commence comme une pièce de théâtre contemporain. Une pièce en un seul acte et trois personnages en scène. À peine quelques didascalies pour planter le décor : une toile à la Claude Lorrain. Un paysage XVIIe s., lieu de rencontre de trois étranges personnages, munis d’un magnétophone. Ce n’est pas là le seul anachronisme. L’universitaire « à la recherche de ses propres sentiers » se nomme Scriptor. Pictor, « mécanicien d’horizons », se charge de « révéler les corps et les âmes ». Quant à Viator, « ex-commis en culture française », il tente « d’élargir son éventaire ».

À peine posés ces curieux éléments de dramaturgie, le jeu commence. Car il s’agit d’un jeu, comme ceux que pratique France Culture entre midi et quatorze heures. Pictor lance un mot au hasard. Le premier qui « tombe sur le tapis », le voilà donc, c’est le mot « mort »! Le seul mot qui roule et rebondit, tout au long du jeu, de réplique en réplique. Avec sa cohorte clinquante d’accessoires.

Dès lors, les répliques s’enchaînent, rapides, brèves, réduites parfois à de simples stichomythies, comme dans une jonglerie macabre où se croisent et se bousculent crânes et objets de vanités divers. Qui se déclinent dans les multiples variantes du genre pictural, en vogue en Europe du Nord dès le XVIe siècle (David Bailly, Harmen et Pieter Steenwyck, Jan de Heem, Peter Potter, Pieter Claesz,…). L’occasion pour les trois dieux « Tor » de dévider à l’infini, sur l’écheveau de leur dialogue, le tressage subtil de la « relation entre la mort et l’œuvre d’art ». Et pour l’auteur, une manière originale de réfléchir et de s’interroger sur l’art d’apprivoiser la mort. Une réflexion philosophique indémodable! Qui n’en relève pas moins de l’humaine « vanité ».


Michel Butor,Et omnia vanitas
Texte trouvé sur le site Terres de Femmes d'Angèle Paoli.

Article/besson




Miroirs du Sommeil

  Valeriu Stancu
(L’Arbre à paroles, 2009)


« Dans un miroir obscurément » par Sylvie Besson

     La Poésie de Valeriu  Stancu, chant éclaté ou prière fragmentaire, dit ce qui se donne et se retire à la fois, arpentant les souvenirs et les traces de ce qui fut et de ce qui reste après les ruines, non pas le rêve impossible de la nostalgie, mais le tracé qui ouvre sur la densité lucide, vivante et douloureuse de la mémoire. En même temps que le poète scelle la parole qui l’emporte sur l’achèvement, il renouvelle, non sans une certaine ironie,  les désirs de toute évocation macabre ; sa poésie dessine le portrait obstiné de quelque chose qu’il nous faut bien nommer, quelle que soit la valeur d’encours du terme, une âme : « Le marbre s’exalte/ Le marbre malade  de silence, / De folie / De tristesse, / Le marbre confesse ses crimes / A mon âme. // Les pensées -guêpes piégées entre les vitres / De l’absence.». Et parce que l’acte d’écrire achoppe aussi sur la teneur exacte de pensées proches de notre époque, d’émotions et de souvenirs iconoclastes, le poète enregistre des images détournées qui sont comme l’écho, le signe matériel, la saveur du monde en une mémoire (in)volontairement spectrale  : « … nous évoquerons/ quelque temps encore/ la tisane à la bergamote,/ le petit gâteau au beurre,/ toujours le même,/ tes roses incomparables/ et, dans ton jardin,/ le magnolia qui fleurissait / aussi / en automne, /dans l’automne de ton destin tragique » ; objets, paysages, lieux donnent –par la présence d’une mort suspecte- une visibilité concrète à de l’invisible, tout en faisant circuler dans la substance protéiforme des mots et celle opaque et impavide du monde extérieur les incertitudes d’une vie intérieure. D’où une poésie à rebours qui convoque dans la dispersion de faire voir : « Tous les mortels se connaissent entre eux, / Car ils portent sous leurs paupières / Des cimetières de cendre, d’argent, / De rosée… ». En cherchant à retrouver les éléments de la vie au travers de l’absence, Stancu met des images sur un vide, vide qui réside dans les sautes d’une mémoire qui n’arrive plus à voir, mais parole qui, en sillonnant les lieux, en revenant au plus près de ses hantises, en reconstituant la mort au cœur de cette mémoire, scrute d’un œil aiguisé les objets et blessures qui sont autant d’indices ou d’emblèmes de l’Insaisissable ;  le poète endure avec une patience précise et tendue, la disparition d’une part de lui-même et du monde comme une image projetée dans un miroir, comme un douloureux réveil de ce qui sommeille à jamais, tout finit ainsi par se fondre dans « l’étoffe hallucinante d’une réalité fugace » ; la vie et ses images, le réel, la fiction se confondent et se déposent dans le fil d’une intimité élargie, dans « la tentation de l’absence » : « Et chaque fois que je meurs / Derrière moi restent / la lumière,/ le sommeil, / les larmes, / l’abime, l’illusion… » .

     Et si tout ce qui est chanté, se trouve à portée de main, c’est que les mots ne sont jamais le support abstrait d’une vision neutre, mais le miroir sans tain d’une intériorité où le regard du lecteur est littéralement immergé « dans ce monde de sel / dans ce monde de nuages / dans ce monde éternel / où nous sommes de passage ». Reliant le passé des souvenirs et le présent de leur évocation, la voix offre une présence absente, de sorte que le fil mémoriel est écartelé entre une invitation au rêve et la scène bouleversante du réel : « Entrez donc /Dans la cour du néant / Bourrée de voyageurs insouciants ! // (…) / Entrez doucement dans la cour du diable / Tout n’y est que confusion / De désir, de passion, de mort… ». Ce flottement est la matière véritable du recueil, les images ne sont pas la traduction d’un trouble, elles sont ce trouble qui s’impose comme l’expression la plus simple et la plus directe du monde ; ainsi les effets de cette démarche, de cette élaboration formelle interrogent les ambigüités de l’être et l’expérience poétique vise à ouvrir un espace sensible, où le chant, mi-ange, mi-bête, trouve autant sa tonalité élégiaque que sa densité ironique.

    L’œuvre est une réalisation frontale, la trace de la mort qu’un miroir somme toute brisé affronte en quelques mots justes. Il y a là comme une magie blanche des images, dont le présent de la vision exhausse à une éternelle vitalité, mais il est aussi une magie noire, un miroir obscur, une ombre, comme par impuissance de toute évocation à retenir le temps: « Je suis toujours là / Mort et vivant à la fois » // : « Je ramasse / Les bribes / De l’exil intérieur / Les fantômes des pénitences, / les galaxies de la peur /  Et les naufrages du désert. ». La poésie rappelle ainsi combien le passé demeure incompréhensible et la mémoire équivoque, tant le partage entre ce qui est à nous et ce qui ne l’est pas est aboli. A cet instant le parti pris des choses sonne comme un inquiétant désert puisque la mémoire est à la fois ce qui nous élargit aux autres et nous renferme dans la plus étroite solitude. Vibrante donc de l’Insaisissable, la poésie de Valeriu Stancu découvre une parole vraie, une langue sur fond d’absence, à la limite de l’être comme à celle du silence, dans la résonance du monde : les choses se replient alors sur leur altérité opaque et on en reste prisonnier sans jamais pouvoir s’en dégager, comme « exilé dans l’aura / D’un ange aveugle ». Le monde n’est jamais entièrement là, perçu dans les fragments d’une vie abimée ou dans les reflets d’un miroir brisé. Chaque chose ne commence que sur le bord qui l’efface, rien de fixe n’existe, un mauvais équilibre tout au plus. Comment trouver une ouverture sinon en en se taisant d’abord, en accueillant, en affleurant un espace vierge que les mots tentent de combler, non de l’espace déjà là, mais de celui que génère la parole poétique en se déprenant de l’illusion de toute prise sur le monde. Ecrire pour que le réel lâche prise, pour que les choses n’aient plus à se retourner, à nous retenir, pour que le passé respire de la seule présence de la page. Accepter alors la trace de la perte dans la mémoire brisée, que cette perte apparaisse en forme de renaissance afin que « les aiguilles du temps / Valsent / Dans l’abri de la mémoire ». Cette épreuve du sentiment du temps et de la négativité du monde, portée par d’indéniables  pointes musicales, esquisse  le portrait d’une humanité  dont la perte de sens ne peut  être que l’espace vacant du désir de son impossible saisie : «  En vérité, je vous le dis: / La mort n’est que la somme/ De tous nos renoncements ».

"Ulysse" d'Angelopoulos...........La Mer comme traversée du miroir !


 La vie qui s’éloigne, voilà ce que traduit avant tout la mémoire, une variation autour d’une frontière qui déconcerte et enchante puisque « toute existence / Est banale comme l’éternité ». Le poète a l’art d’éclairer d’une lumière tranchante cette errance flottante au cœur des choses, par son écriture pleine d’amertume et de sursauts; le poète écoute des mélodies en sous-sols dispenser leur enseignement lumineux et restitue ,non sans dérision, la désespérance d’instants enfouis à quelques mètres de soi : « Je jette au feu / Des vers fragiles, / Et de dures coques / De pistache //  Pour adoucir / Un peu / Mon mal du pays / Et la nostalgie de ma banalité ».  Monde aveugle, exclusivement terrestre, le recueil ne cesse de rappeler que notre présence ne tient qu’à un mot, entre désir et pudeur, les mots s’accrochent aux mots, se substituant  aux souvenirs incertains et bannissant toute nostalgie stérile, le poète donne en partage l’inquiétude « avant de vaciller dans la mémoire universelle qui est l’autre nom de la souffrance » ;  au revers de la langue, la (mé)moire poétique fixe la crispation jusqu’à se briser, mais permet soudain la rétention de la parole pour l’engager dans le silence : « A quoi bon parler, / Quand la chute des anges / Nous rend aveugles ? ».

    Les miroirs brisés ne sont-ils pas des courts-circuits de vie ? Le poète prend dès lors son temps en un endroit qui est celui de l’éphémère. Une poésie traversée d’une couleur d’automne, qui s’attarde sur les choses quotidiennes, et à côté une blessure proférée en demi-teintes. Le texte permet de continuer le dialogue avec cette âme, parvenant à emprisonner des sentiments qui ondoient : voilà la trame d’une vie jetée comme la nuit, la trace de voyages immobiles, la présence de l’homme abandonné dans un paysage lourd et bas qui veut entendre des nouvelles du ventre de la terre, qui veut percevoir « un faible éclair dans la nuit / […] plus éblouissant et plus profond / Que l’immensité  /De la mort… ». Poésie, toujours en suspension, qui donne l’impression de n’avoir jamais commencé d’être là, d’attendre le réveil d’un monde à bout de souffle afin de voir le temps sombrer dans l’oubli, comme une vie promise.

Sylvie Besson

d’Ingeborg Bachmann

Contre-jour


Comme Orphée je joue
sur les cordes de la vie la mort
et de la beauté de la terre
et de tes yeux qui règnent sur le ciel
je ne sais dire que de l’obscur.
N’oublie pas que toi aussi, soudain,
ce matin-là, alors que ta couche
était encore humide de rosée et que l’œillet
était endormi sur ton cœur,
tu vis le fleuve obscur
qui passait près de toi.
La corde de silence
tendue sur la vague de sang,
je saisis ton cœur résonnant.
Transformée fut ta boucle
en cheveux d’ombre de la nuit,
des ténèbres les noirs flocons
enneigèrent ton visage.
Et je ne t’appartiens pas.
Tous deux à présent nous nous plaignons.
Mais comme Orphée je sais
du côté de la mort la vie
et pour moi bleuit à l’horizon
ton œil à jamais fermé


d’Ingeborg Bachmann 


Nostalghia de Tarkovski.
  • L’intérieur d'une âme, elle même au centre de son monde, devant l'Absence.... Devant un passé qui est derrière..... Quelque chose de lointain à retrouver.
    L'eau se mêle à la terre. Elle est un miroir, et dans sa réflexion, s'entend t
    out un monde entièrement enveloppé de sacré, purifié de pluie, comme protégeant le tout. Florian Poinot

Vincent de La soudière


De la douleur de l'enfance à la métaphore de l'enfantement



                                    Bouge pas, meurs, ressuscite   par Vitali Kanevsky,

Un livre [...]  est un enfant qui naît adulte, pourvu de toute son indépendance, et qui, sautant l'époque du berceau, se trouve projeté tout vif dans le monde extérieur sans le moindre souci de son créateur. Ainsi l'auteur ne connaîtra pour soi-même que l'obscure et incertaine gestation et la douloureuse naissance, ses déchirements, la terreur de sentir l'enfant lui échapper si tôt, échapper des mains de sa tendresse. Il ne lui est même pas permis de la choyer. Sa douceur enfantine, il n'en jouit pas quand voilà son enfant lancé à travers le monde où il s'apprête à verser au cœur des hommes des secrets bouleversants ou d'infinies émotions.

Vincent de La soudière, C'est à la Nuit de briser la Nuit.

 

Trakl


 Les fantômes, obscurs objets de désir , hantent nos crépuscules et nos miroirs !



Le Soir

Encore est jaune l’herbe, et l’arbre gris et noir,

Mais dans le soir un Vert se lève, crépuscule.
La rivière descend des monts, froide et limpide,
Et sonne, cachée dans le roc ; ainsi tes jambes
Sonnent quand ivre tu les meus. Marche sauvage
Dans le bleu ; et les cris radieux des oiselets.
Déjà très sombre, plus profondément s’incline
Le front sur de l’eau bleuâtre et du féminin ;
Se couchant de nouveau dans la verte ramée du soir.
Pas et mélancolie sonnent en concert dans du soleil pourpre.


G Trakl (traduction de Lionel-Edouard Martin)


 


Photo
    L'Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz

dimanche 25 novembre 2012

Rilke



 L'Enfance ou le miroir intérieur !



  1. Les 400 coups de Truffaut
    Lettre à un jeune Poète

    Une seule chose est nécessaire: la solitude.

    La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir.

    Être seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en
    affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elle font.

    S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être près des choses: elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays.

    Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'événements auxquels vous pouvez prendre part.

    Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes: tristes et heureux; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.



    RILKE



Cercle 1  

Commencer par dériver........L'eau se fait Miroir





La Femme des sablesde  Hiroshi Teshigahara

Toi aussi parle

Toi aussi parle
parle comme le dernier
dit ton message

Parle -
Mais ne sépare pas le oui du non
Donne aussi le sens à ton message :
donne lui l'ombre.

Donne-lui assez d'ombre,
donne-lui en tant,
que tu en sais autour de toi partagée
entre minuit et midi et minuit.

Regarde alentour,
vois, comment ce qui t'entoure devient vivant -
Par la mort ! Vivant !
Celui dit vrai, qui parle d'ombre.
Mais voici que s'étiole l'endroit ou tu es ;

Maintenant où aller, à découvert d'ombre, où aller ?
Monte. vers le haut en tâtonnant.
Plus grêle tu deviens, plus méconnaissable, plus fin !
Plus fin : un fil,
où l'étoile veut descendre :
pour nager en bas, tout en bas,
là où elle se voit luire : dans la houle
des mots errants.

Paul Celan

"Espace
  Désert
  Lente rotation de l'heure [...]
  O cercles d'images où tourbillonne
  l'Oiseau - silex "

Thierry Metz






 Andrei Roublev ( Anatoli Solonitsyn,) Tarkovski.


"Je sens la vie toujours en cycle un long enchaînement, un Cercle, et je ne peux pas détacher un fragment parce qu’il me semble qu’un fragment n’a pas de sens " Anais Nin  Journal.

  Dans ces Carnets d'arts et d'essais (le nom est somme toute un clin de cils aux salles d'arts et d'essais que je chéris tant!), vous trouverez uniquement des motifs littéraires portés pas des textes et quelques images filmiques qui me tiennent à coeur... Mais où se tourner, vers qui, vers quoi ? Vers des glissements progressifs d'un thème à l'autre comme témoignage d’un questionnement possible, et si les motifs retenus sont traversés d’éclairs et de fulgurances tant la quête est essentielle, c'est dans un ordre circulaire que vous rentrerez en ce lieu, point de cercle dantesque mais un éternel retour sans autre objectif que celui de partager des écritures saisissantes, des images mythiques. Ainsi matière et présence de gestes invisibles naviguent d'un Cercle à l'autre pour parfois y revenir jusqu'à l'inachèvement souhaité. Intenses et fragiles, ces Cercles de la mémoire sont à la fois objets esthétiques et profondeurs des sujets en Mots-Images, vous y découvrirez aussi des notes de lectures personnelles, en toute humilité, noyées dans la profusion et le vertige des Cercles, ces dernières ne s'agrippant aux Autres que par leurs vies minuscules. SB.

samedi 24 novembre 2012

OUVERTURE EN JANVIER ?????
Ce Blog cherche sa voie, il est en cours d'élaboration  au moins jusqu'en février, merci de votre indulgence et de votre patience....