vendredi 29 mars 2013

Maïakovski


Dans la nuit, La Pierre luit  jusqu'à devenir étoile !

Tandis que sur le cou écumeux

Des rivières bondissantes,

Les ponts tordent leurs bras de pierre.

Le ciel pleure

Avec bruit,

Sans retenue,

Et le petit nuage

À au coin de la bouche,

Une grimace fripée,

Comme une femme dans l’attente d’un enfant

À qui dieu aurait jeté un idiot bancroche.

De ses doigts enflés couverts de poils roux, le soleil vous a épuisé de caresses, importun comme un bourdon.

Vos âmes sont asservies de baisers.

Moi, intrépide,

je porte aux siècles ma haine des rayons du jour ;

l’âme tendue comme un nerf de cuivre,

je suis l’empereur des lampes.

Venez à moi, vous tous qui avez déchiré le silence,

Qui hurlez,

Le cou serré dans les nœuds coulants de midi.

Mes paroles,

Simples comme un mugissement,

Vous révèleront

Nos âmes nouvelles,

Bourdonnantes

Comme l’arc électrique.

De mes doigts je n’ai qu’à toucher vos têtes,

Et il vous poussera

Des lèvres

Faites pour d’énormes baisers

Et une langue

Que tous les peuples comprendront.

Mais moi, avec mon âme boitillante,

Je m’en irai vers mon trône

Sous les voûtes usées, trouées d’étoiles.

Je m’allongerai,

Lumineux,

Revêtu de paresse,

Sur une couche moelleuse de vrai fumier,

Et doucement,

Baisant les genoux des traverses,

La roue d’une locomotive étreindra ton cou.

Maïakovski




Les Chaussons rouge de Powell


Ecoutez !

 Puisqu’on allume les étoiles,
 c’est qu’elles sont à quelqu’un nécessaires ?
 C’est que quelqu’un désire qu’elles soient ?
 C’est que quelqu’un dit perles ces crachats ?

 Et, forçant
 la bourrasque à midi des poussières,
 il fonce jusqu’à Dieu,
 craint d’arriver trop tard,
 pleure,
 baise sa main noueuse,
 implore -
 Il lui faut une étoile ! -
 jure
 qu’il ne peut supporter ce martyre sans étoiles.
 Ensuite,
 il promène son angoisse,
 il fait semblant d’être calme.
 Il dit à quelqu’un :
 « Maintenant, tu vas mieux, n’est-ce pas ?
 T’as plus peur ?
 Dis ? »
 Ecoutez !

 Puisqu’on allume
 les étoiles -
 c’est qu’elles sont à quelqu’un nécessaires ?
 c’est qu’il est – indispensable,
 que tous les soirs
 au-dessus des toits
 se mette à luire seule au moins une étoile ?

Maïakovski

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A propos du cinéaste Mickael Powell omniprésent dans *Les Carnets d'arts et d'essais*....


Lorand Gaspar


Le silence des murs......

Matins où le monde s’étonne
Mu par la main d’un nouveau-né


La chambre verte de Truffaut


Entre rai lumineux et la bouche
Et chaque reflet est un cri
Nouveau de surprise d’exister -
Et les mélodies, les voix
Telles des pinceaux et des ailes
Qui vont où l’ouvert les porte –

Le silence des murs la pudeur du mort rose
Chuchotements d’odeurs au fond des années
Et la mer pieds nus dans les chambres désertes –
Mes yeux sont pris encore dans la nuit
Mais j’entends déjà le jour qui pétrit
Dans sa gorge la fauvette orphée –

Lorand Gaspar, extrait de La Maison près de la mer.
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Lien très intéressant sur Lorand Gaspar

  1. www.oeuvresouvertes.net/autres_espaces/gaspar.html

jeudi 28 mars 2013

Dylan Thomas


Les Pierres voient tout....

Stromboli de Rosselini



Voici la mer, verte et claire

Et dans ses flancs, mille poissons

Ondulant leurs écailles en silence

Dans un monde d’herbes vertes et claires.

Voici mille cailloux : mille yeux

Tous plus vifs que le soleil.

Voici les vagues : des danseurs

Sur un parquet d’émeraude

Font des pointes

Pour danser la mer

Légers comme pour une pantomime.

Dylan Thomas
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Nombres de poèmes traduits par Lionel-Edouard Martin sur son site:
 lionel-edouard-martin.net/tag/dylan-thomas/


dimanche 24 mars 2013

Virginia woolf

  Amas de pierres et de chairs, la ville selon Woolf !


Macadam Cowboy de John Schlesinger


  Les cercles de plomb et de pierre se dissolvaient dans l’air. Que nous sommes bêtes, se dit-elle en traversant Victoria Street. Dieu seul sait la raison pour laquelle nous l’aimons tant, et cette manière que nous avons de la voir, de la construire autour de nous, de la bousculer, de la recréer à chaque instant; et les mégères informes, les rebuts de l’humanité assis sur le pas des portes (l’alcool ayant causé leur perte) en font autant; on ne peut pas régler leur sort par de simples décrets ou règlements, précisément pour cette raison: ils aiment la vie. Dans les yeux des gens, dans leur démarche chaloupée, martelée, ou traînante; dans le tumulte et le vacarme; les attelages, les automobiles, les omnibus, les camions, les hommes-sandwiches qui se frayent un chemin en tanguant; les fanfares; les orgues de barbarie; dans le triomphe et la petite musique et le drôle de bourdonnement là-haut d’un avion, dans tout cela se trouvait ce qu’elle aimait: la vie; Londres; ce moment de juin.....



Blow Up d'Antonioni


Virginia woolf, Mrs Dalloway
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Nouveautés, études et conseils de lectures sur woolf dans l'excellent site suivant:

  1. lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/virginia-woolf/



samedi 23 mars 2013

Cormac McCarthy

La roche est de marbre ! 




Duel au soleil de King Vidor


 Il était couché et écoutait le bruit des gouttes dans les bois. De la roche nue, par ici. Le froid et le silence. Les cendres du monde défunt emportées çà et là dans le vide sur les vents froids et profanes. Emportées au loin et dispersées et emportées encore plus loin. Toute chose coupée de son fondement. Sans support dans l’air chargé de cendre. Soutenue par un souffle, tremblante et brève. Si seulement mon cœur était de pierre. 

Cormac McCarthy, La Route. 

jeudi 21 mars 2013

Colette

La Pierre se met à nu....



The River de F. Borzage (Qui me suit, sait que Florian Poinot est ma boite à images!)


Sur ce roc incliné, il rêva de possession comme en peut rêver un adolescent timide, mais aussi comme un homme exigeant, un héritier âprement résolu à jouir des biens que lui destinent le temps et les lois humaines. Il fut, pour la première fois, seul à décider du sort de leur couple, maître de l'abandonner au flot ou de l'agripper à la saillie du rocher, comme la graine têtue qui, nourrie de peu, y fleurissait...

Colette, Le Blé en herbe

Ludovic Degroote


Les Murs sont nos labyrinthes intérieurs.....

... Filer le présent

Quand la ville dort de John Huston


les murs deviennent vieux

et la hauteur des villes

passe à travers

ceux qui passent

comme sans centre

et sans murs ils passent à travers

cette brutalité du monde

qui s’enferme mal

mémoire en friche

qui les pousse à disparaître

dans le havre du temps

sans tour et sans coin

ta ville tu la tiens dans ta main

et sa mémoire c’est la tienne

qui s’en va

filer le présent.

Ludovic Degroote (extrait, Monologue)

mardi 19 mars 2013

Julien Gracq

Les Pierres ont du souffle......


Saint-Flour : il y a un rappel de l’Italie dans la manière qu’a la ville de coiffer de ses tours la colline abrupte, dans le dessin spacieux de son esplanade, dans la belle pierre noire de ses hôtels aux courbes herbeuses, qui sont ceux d’une ancienne petite cité princière de l’Apennin ou des Abruzzes ; mais, dès qu’on quitte le sommet du plateau – sa cathédrale, son évêché, ses lourds bâtiments officiels carrés et l’arceau bas de leur porche, frais et ombreux comme le corps de garde d’une capitainerie de Castille – la dégringolade paysanne des ruelles de terre ravinées est pleine de chats errants et de traînées d’urine. Du haut de sa terrasse, par delà la coupure profonde du ravin, on découvre l’énorme dos de baleine de la Margeride qui court plonger vers le sud, les lourdes ombres de ses nuages glissant sur des sapinières plus touffues que celles des Vosges

Julien Gracq, Carnets du grand chemin





Kagemusha de  kurosawa



.....les pont-levis s'abaisseront, et les femmes du château le laveront, le parfumeront et le vêtiront de samit, de soie d'Orient et de fourrures de Varangie et le roi le priera au soir dans la grand'salle. Et les chevaliers siègeront à leur rang sur les lits de brocart d'or. Et les portes d'ivoire s'ouvriront, et les trompettes sonneront, et Montsalvage, jusqu'aux plus creux de ses pierres ne sera plus qu'un seul souffle suspendu. Et le Graal sera porté par des vierges de haut lignage sur un plateau de pierres précieuses, et il sera lumière, musique, parfum et nourriture. Et le Graal sera porté devant le Très Pur, et les lèvres du Très Pur murmureront la question qui brise les charmes : "Quel nom est le lien, le plus éclatant que la merveille ?". et la Colombe descendra sur les airs, le Graal éclatera dans la splendeur, la plaie d'Amfortas guérira, la vie coulera aux veines dans toute sa force, et le Très Pur règnera avec honneur sur Montsalvage. 

Julien Gracq, Le Roi-Pêcheur

dimanche 17 mars 2013

Mario Luzi,



Ce qui traverse la Pierre......


 Schloss Vogelöd  de Murnau


Elle s’avance entre les murs, elle est proie de la lumière


Elle s’avance entre les murs, elle est proie de la lumière…
sans doute était-ce toi, à cet instant elle est une apparition
ou peut-être tout cela qui n’a pas de paix
ou de repos ou de mouvement et qui n’est pas vrai
ni privé de substance, vanité que seul
de purs miroirs trahissent en tremblant.


C’est une vague figure, qui n’a pas de répit….
elle est notre, je la croyais une chimère
si d’aucune apparaissait par miracle
sous d’arides pentes, inconsolée,
par des voies obscures où rien ne vit plus,
rien, sinon l’espoir du tonnerre.

 Mario Luzi,  Prémices du désert.

samedi 16 mars 2013

Edouard Glissant/fragment/Besson


L'étoilement des roches......

 Les pays que j’habite s’étoilent en archipels. Ils racontent les temps de leurs éclatements. Quand nous rencontrons un morceau impénétrable de temps, une roche incassable, ce qu’aussi nous appelons un bi, nous voici devant ce bi de temps, nous n’en sommes pas désenvironnés, nous faisons le tour de cette obscurité, nous piétons dans la moindre ravine ou le plus petit cap, jusqu’à entrer dans la chose. L’éclat des temps tout comme les éclats du temps n’égarent pas, dans nos pays.

Edouard  Glissant



Ghost Dog de Jim Jamursh





Une pierre dans mon jardin….….. Le paradoxe  du Poète contemporain ????


Etoilement de soi ou identité du monde par Sylvie Besson.

      Le chemin le plus sûr qui mène à une réflexion sur l’identité et l’altérité est sans doute celui emprunté par le voyageur, désireux de voir l’autre, de le confronter à soi. Les poètes-voyageurs tirent de cette expérience de l’ailleurs une conscience et reconnaissance de l’autre en même temps qu’un sentiment d’instabilité du moi et des pratiques culturelles qui les sous-tendent. Pour eux, l’écriture poétique devient une écriture en voyage où le sujet multiplie ses chances de faire un tour du côté de l’autre et de trouver dans la précarité de ses rencontres une identité renouvelée.
     S’agirait-il alors pour ces  poètes de l’extrême contemporanéité (D Fourcade) d’effectuer par le détour de l’autre  une remise en question de soi et du monde?  Serait-ce à dire également que c’est la prise de conscience de l’enfermement du moi sur lui-même qui pousse le poète à délaisser les sentiers battus, et que sa survie dépendrait de la remise en route du mécanisme d’échange, donc du rétablissement de la relation avec l’autre  ?
    La réponse, en poésie, demeure paradoxale : en effet, le travail du poète est celui d’un solitaire et le désir de partir reste ambigu, car à peine est-il parti puis confronté à l’autre que le poète revient promptement à la question de l’étrangeté de son Moi si irrémédiablement liée à la pratique de son écriture.

   Ainsi lorsque les poètes d’aujourd’hui  prennent la plume  c’est pour saisir la chance de s’absenter d’eux-mêmes en tant qu’hommes parmi les hommes, une façon d’écrire dans un état de déterritorialisation;  en outre, l’autre, en territoire poétique, contrairement au voyage romanesque, n’existe que pour être traversé. De ces traces charnelles/immanentes, les poètes laissent apparaitre de nouveaux tracés identitaires entre diffraction et concentration,  composant ainsi les scholies d’une errance collective. Il s’agirait finalement de maintenir une identité en creux, « présence en écho », « immersion dans la démesure », « cendres et poussières omniprésentes », « engluement boueuse ou terreuse », « mers solaires et déserts mouvementés »… afin d’empêcher le Sujet en eux de se figer et célébrer, dans un lyrisme critique, l’Ouvert du monde.
     L’ambivalence du voyage en tant que lieu réel/ lieu fantomatique signale que le lieu poétique où se forme l’identité du sujet-lyrique se trouve dans l’affirmation de ce passage ambivalent. Les Poètes se libèrent, in fine,  du point de départ, du point de chute, des points de rencontre du lyrisme traditionnel afin de révéler un monde inépuisable. C’est ce principe vital que susciterait la création poétique elle-même : une identité inscrite dans le devenir du monde, élément dynamique en perpétuelle genèse.

 Sylvie Besson (fragment!)

vendredi 15 mars 2013

Hermann Hesse


Pétrification absolue....




Les amants de la nuit de Ray



Là-bas, loin par-delà les monts,
Une pâle lune paresse
Et sous ses éternels rayons
Demeure ma morte jeunesse.

             

Là-bas, loin par-delà les monts,
Auprès du tombeau de la reine,
Mon amour mort, hâve, harassé,
Comme un fantôme se promène.

            

Là-bas, loin par-delà les monts,
Où sont les temples froids de pierre,
Devant mes dieux morts, dans le vent,
Errante, pleure une prière


Hermann Hesse, Là-Bas

Bernard Noel


La pierre s'anime.....


Certains bâtissent une respiration
ils savent que dedans et dehors
souffle le même espace
ils savent que les murs ne doivent
ni couper le souffle
ni boucher la vue


Bernard Noel, Les yeux dans la couleur




La Bête et la Belle de Cocteau






Toi qui es dans mon tu 

mon présent est une pierre
tu la jettes dans mes yeux

la page de verre monte
le visage éclate dedans

je tète le blanc
le linge du regard volé

le lit du temps coule
au milieu de la bouche




La Belle et la Bête de Cocteau


Bernard Noel,  L’ombre du double 


mercredi 13 mars 2013

Sylvia Plath


De la pierre au nuage, le don.....


Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi. 
Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors, 
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète, 
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.  

  ... 


Sur la route de Madison d'Eastwood


Je ne m’y suis pas trompée. Je t'ai reconnu aussitôt. 
L'arbre et la pierre scintillaient, ils n'avaient plus d'ombres.
Je me suis déployée, étincelante comme du verre. 
J'ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don. 

Sylvia Plath, Lettre d'amour

Pierre Jean Jouve


Tout de grès est le Ciel !


La Femme sur la lune de  F Lang..... (Merci Florian!)



Le grès épais et gravé nourri d’or

Sans que l’or s’éloigne du vert sans que le vert

Soit séparé de l’or et sans que l’or

Soit légitime autrement que désert

        

N’importe où : et le poids magique du silence 

Tient la main car le saint a modelé le creux 

De la mer dans l’adorable patience 

De la perfection d’un ciel aventureux.


Pierre Jean Jouve - Grès



mardi 12 mars 2013

Giono


La géologie de Giono.....


Cet endroit me plaît. Je m'approche du poteau et je lis les noms qui ne me disent rien. A quinze cents mètres il y a un patelin, mais je le trouve un peu trop près de la grand-route. Je le vois. Il n'est pas mal. Les toitures sont en bon état. Le clocher est cossu. Il y a des signes extérieurs de richesse. Les vergers sont rouge comme d'où je suis parti tout à l'heure. Ce qui me touche, c'est quatre ou cinq plants de cosmos dans les champs. Je remarque aussi des haies de cognassiers croulantes de fruits et quelques vignes dont les raisins ne sont pas encore mûrs. Ce n'est pas un pays de vignobles : c'est de la vigne de petit bonhomme. Les champs sont très morcelés. Les plus grandes parcelles ont cinquante mètres de côté. Malgré ça, ils ont fait du blé et non de l'orge. Tout est installé sur les limons que le torrent a deversés. Ils ont canalisé le lit de pierres où maintenant fricote un peu d'eau noire. Le cantonnier à l'air d'être à la coule et les crédits de la commune respectables. Ils ont fait un pont qui vaut le jus. A 7 km 800 il y a, paraît-il, un autre village. Le nom seul est un programme. Il doit être enfermé dans un défilé qui doit se poser là. 






Pale Rider de Clint Eastwood



Je n'ai pas d'idées. Le matin s'avance. Il y a déjà quelques abeilles. Je fais les quinze cents mètres à la papa. La route est mieux à mon goût. C'est un chemin vicinal de trois à quatre mètres de large à peine, très souple au pied et qui respecte toutes les propriétés. On planterait un piquet devant lui, il en ferait le tour à bonne distance. C'est ce qu'il a fait quand on l'a tracé. Il est bordé de jardins potagers de chaque côté et je constate qu'ici on aime les fleurs. Dommage que ce soit si près de la grand-route. Il y a des zinnias qui pourraient me décider à être poli et conciliant.
De près c'est un village comme les autres, sauf un truc qui me fout la trouille : un château à tourelles. Pas de château à tourelles dans l'état d'esprit où je suis. J'ai soupé des châteaux à tourelles.

Je tourne court après la fontaine et je m'envoie du côté de ce fameux endroit qui est à 7 km 800. La route suit le torrent et je prends un véritable plaisir pendant plus d'une heure. Je domine le lit large et sonore encombré d'aulnes et de bouleaux. J'aime cette saison. Elle est tendre. La grive chante dans les taillis. Ce qu'elle dit est exactement en rapport avec les feuilles mortes dorées et le petit vent froid. C'est un oiseau modeste mais qui connaît son affaire.

Je marche encore un bon moment et j'arrive à une maison qui touche presque la route. C'est un corps de bâtiment trapu et montagnard dans un petit bosquet de châtaigniers. Je m'avance. La porte de l'étable est ouverte. Je remarque deux ou trois petites choses à quoi je suis très sensible, notamment un banc posé en belle place à un endroit où il y a de la vue. Les quelques outils que je vois soigneusement appuyés à l'abri des murs sont emmanchés solidement.

Jean Giono, extrait des Grands Chemins.

lundi 11 mars 2013

E. Dickinson

La beauté du "caillou" est le commencement

                             du terrible....

Je voudrais être foin ! Mais tout comme la nature humaine passe pour un mystère, qui s’aventure à citer le plus la Nature : N’a pas fréquenté son domaine/ou mis à nu son spectre./On plaindra moins ceux qui l’ignorent/En regrettant aussi/Que l’approcher 
n’avance à rien/Plus on veut la connaître







Death for sale de Faouzi Bensaïdi 





            Heureux le petit caillou
            Vagabondant seul sur la route

                   (…)                                                            

             Indépendant, tel le soleil
             Il luit sociable ou solitaire                       
             Et remplit le décret divin
                     En toute simplicité.

                                                                                                     Emily Dickinson

samedi 9 mars 2013

Benjamin Péret


Les pierres ont un respire.....



Tree of life de Mallick




DORMIR DANS LES PIERRES

 Assise flamberge assis vents
 la mer se décolore et le rouge domine
 le rouge de mon cœur est le vent de ses îles
 le vent qui m’enveloppe comme un insecte
 le vent qui me salue de loin
 le vent qui écoute le bruit de ses pas décroître sur mon ombre 
si pâle qu’on dirait un poisson volant
 As-tu senti les cheveux se dénouer comme les aiguilles d’une pendule
 et le souffle des pierres s’atténuer de crainte que les mains ne les remarquent
 As-tu senti la sève jaillir hors des arbres de paille
 et se répandre sur les fleuves 

Benjamin Péret, Dormir dans les pierres

vendredi 8 mars 2013

Angèle Paoli



Prendre le chemin "des pierres"....



Plissés de pierre

L'Homme de cendres de Nouri Bouzid



Tu arpentes d’un mur à l’autre
en suivant d’obscurs escaliers
les remparts en ruine de ta mémoire
des pans entiers se dérobent
sous tes pas incertaine
tu cherches où trouver un appui
rampes de limailles
escaliers de soie dure
échancrures crénelées
plissés de pierre
argentés
invisibles moucharabieh

Angèle Paoli.(Poème déniché dans *Terres de Femmes*)

William Faulkner


La seule trace, une pierre tombale.....



Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson
On laisse si peu de trace, voyez-vous. On naît, on essaye ceci ou cela sans savoir pourquoi, mais on continue d’essayer ; on naît en même temps qu’un tas d’autres gens, tout embrouillé avec eux, comme si on s’efforçait, comme si on était obligé de faire mouvoir avec des ficelles ses bras et ses jambes, mais les mêmes ficelles sont attachées à tous les autres bras et jambes et tous les autres essayent également et ne savent pas non plus pourquoi, si ce n’est qu’ils se prennent dans les ficelles des autres comme si cinq ou six personnes essayaient de tisser un tapis sur le même métier mais avec chacune d’elles voulant tisser sur le tapis son propre dessin ; et cela ne peut pas avoir d’importance, on le sait, ou bien Ceux qui ont installé le métier à tisser auraient un peu mieux arrangé les choses, et pourtant cela doit avoir de l’importance puisque l’on continue à essayer ou que l’on est obligé de continuer, et puis tout à coup tout est fini et tout ce qui vous reste est un bloc de pierre avec quelque chose de griffonné dessus, en admettant qu’il y ait quelqu’un qui se souvienne ou qui ait le temps de faire mettre le marbre en place et d’y faire marquer quelque chose, et il pleut dessus et le soleil brille dessus et au bout d’un peu de temps on ne se rappelle plus ni le nom ni ce que les marques essayaient de dire, et cela n’a pas d’importance. 

William Faulkner, Absalon, Absalon!

Ossip Mandelstam


Le tremblement irascible des pierres......


Nous ne saisissons que par la voix
Ce qui a laissé là-bas sa griffure, a lutté,
Et nous promenons la mine durcie
À l’endroit que la voix désigne.
Je romps la nuit, ardente craie,
Pour graver les signes de l’instant,
J’échange le bruit contre le chant des flèches,
L’ordre contre le tremblement irascible.


There will be blood de Paul Thomas Anderson
Qui suis-je ? Non l’honnête maçon,
Ni le couvreur, ni le navigateur :
Moi, être au visage double, et l’âme hybride,
Je suis ami de la nuit, initiateur du jour.
Béni, celui qui a baptisé le silex
Disciple de l’eau courante,
Béni, qui d’une lanière a noué
Le pied des monts à leur solide socle.

Désormais, j’étudie ce journal intime :
Les égratignures du burin de l’été,
Langage de silex et d’air
Aux strates de ténèbres, aux nappes de lumière,
Et je veux enfoncer les doigts
Dans le chemin pierreux issu de l’ancien chant,
Comme une plaie où fondre entre ses lèvres
Le galet avec l’eau, la bague et le fer à cheval.

Ossip Mandelstam, Poèmes.

mercredi 6 mars 2013

Philippe Jaccottet


Les pierres n'ont pas d'âge !


   En passant devant l’une des dernières fermes restées des fermes, ici tout près : le petit verger à l’abandon, les murs délabrés en bordure du chemin, le grand noyer au-dessus de la Chalerne – pourquoi tout cela me semble-t-il si « vrai », c’est-à-dire ni aménagé, ni orné, ni truqué ? Ces pierres usées, tachées, prêtes à retourner au sol d’où on les a extraites, ces très vieux arbres cassants, hirsutes, qui ne produiront plus que des fruits acerbes – et l’eau, sans jamais aucun âge.



Ran de Kurosawa

Rien qu’une touffe de violettes pâles


Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits

René Char


 Les Pierres s'en souviennent.....encore!




A l'Ouest rien de nouveau de Lewis Milestone 
    Les pierres se serrèrent dans le rempart et les hommes vécurent de la mousse des pierres. La pleine nuit portait fusil et les femmes n’accouchaient plus. L’ignominie avait l’aspect d’un verre d’eau.
   Je me suis uni au courage de quelques êtres, j’ai vécu violemment, sans vieillir, mon mystère au milieu d’eux, j’ai frissonné de l’existence de tous les autres, comme une barque incontinente au-dessus des fonds cloisonnés.

 René Char, Faction du muet

Antonin Artaud



Le Silence des Pierres....



Belle place aux pierres gelées
Dont la lune s’est emparée
Le silence sec et secret
Y recompose son palais
Or l’orchestre qui paît ses notes
Sur les berges de ton lait blanc
Capte les pierres et le silence.





Stalker de Tarkovski



C’est comme un ventre que l’amour
Ébranle dans ses fondements
Cette musique sans accent
Dont nul vent ne perce l’aimant
La lumière trempe au milieu
De l’orchestre dont chaque jour
Perd un ange, avance le jour




Rien qu’un chien auprès du vieillard
Ils auscultent l’orgue en cadence
Tous les deux. Bel orgue grinçant
Tu donnes la lune à des gens
Qui s’imaginent ne devoir
Leurs mirages qu’à leur science.


Antonin Artaud , Silence