jeudi 31 janvier 2013

Antonin Artaud


Un Navire comme Ciel d'attache !



Le Navire Mystique





L'Ile de Kim-Ki Duk


Il se sera perdu le navire archaïque
Aux mers où baigneront mes rêves éperdus ;
Et ses immenses mâts se seront confondus
Dans les brouillards d’un ciel de bible et de cantiques.

Un air jouera, mais non d’antique bucolique,
Mystérieusement parmi les arbres nus ;
Et le navire saint n’aura jamais vendu
La très rare denrée aux pays exotiques.

Il ne sait pas les feux des havres de la terre.
Il ne connaît que Dieu, et sans fin, solitaire
Il sépare les flots glorieux de l’infini.

Le bout de son beaupré plonge dans le mystère.
Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits
L’argent mystique et pur de l’étoile polaire.

Antonin Artaud

Woolf



Les Vagues uniquement....


LIFEBOAT d'Alfred Hitchcock
Le soleil n’était pas encore levé…
Le soleil montait (des vagues bleues, des vagues vertes)…
Le soleil montait (des vagues jaunes et vertes)…
Levé, le soleil ne lançait plus de regards intermittents sur les joyaux couleur d’eau…
Le soleil avait atteint sa pleine hauteur…
Le soleil n‘était plus au milieu du ciel…
Le soleil avait décliné dans le ciel…
Le soleil déclinait…
Maintenant le soleil avait disparu…

Les vagues se brisèrent sur le rivage.
Les Vagues, Viginia Woolf

Jean-claude Villain

Dire la Mer et retrouver l'Ile en soi...


La Leçon de piano, Campion


Rougeur du crépuscule. Des oiseaux le chant soudain s’est tu. Miroitement d’écailles. Ou de cristaux qui sait. Sous la mer des pépites de sang durci fondent. Contre des blocs de sel. Ailes détachées de quel carnage. Des plumes effritées flottent. Sur quelle brume saumâtre. Le glas du jour a sonné. A eux la prière. Mais à la mer. Toi. Tu retournes.

Jean-claude Villain, Ithaques 

mercredi 30 janvier 2013

Tounier



De la solitude des Iles !



Le Phare du bout du monde de Kevin Billington 



Sur le miroir mouillé de la lagune, je vois Vendredi venir à moi, de son pas calme et régulier, et le désert de ciel et d’eau est si vaste autour de lui que plus rien ne donne l’échelle, de telle sorte que c’est peut-être un Vendredi de trois pouces placé à portée de ma main qui est là, ou au contraire un géant de six toises distant d’un demi-mille…
Le voici. Saurai-je jamais marcher avec une aussi naturelle majesté ? Puis-je écrire sans ridicule qu’il semble drapé dans sa nudité ? Il va, portant sa chair avec une ostentation souveraine, se portant en avant comme un ostensoir de chair. Beauté évidente, brutale, qui paraît faire le néant autour d’elle.
Il quitte la lagune et s’approche de moi, assis sur la plage. Aussitôt qu’il a commencé à fouler le sable semé de coquillages concassés, dès qu’il est passé entre cette touffe d’algues mauves et ce rocher, réintégrant ainsi un paysage familier, sa beauté change de registre : elle devient grâce. Il me sourit et fait un geste vers le ciel – comme certains anges sur des peintures religieuses – pour me signaler sans doute qu’une brise sud-ouest chasse les nuées accumulées depuis plusieurs jours et va restaurer pour longtemps la royauté absolue du soleil. Il esquisse un pas de danse qui fait chanter l’équilibre des pleins et des déliés de son corps. Arrivé près de moi, il ne dit rien, taciturne compagnon. Il se retourne et regarde la lagune où il marchait tout à l’heure. Son âme flotte parmi les brumes qui enveloppent la fin d’un jour incertain, laissant son corps planté dans le sable sur ses jambes écarquillées.

Vendredi ou les limbes du Pacifique de Tournier

Trakl.


Terres et Mers......Loin du Paradis !


Le Sommeil

Soyez maudits, sombres poisons,
Blanc sommeil
Ce très étrange jardin
D'arbres crépusculaires
Empli de serpents, de phalènes
D'araignées, de chauve-souris.
Étranger ! Ton ombre perdue
Dans le couchant,
Ténébreux corsaire
Sur la mer salée de l'affliction.
S'envolent des oiseaux blancs à l'orée de la nuit
Sur l'écroulement des villes d'acier.

Trakl.



Le Couteau dans l'eau de Polanski

Mario Luzi


Iles originelles !





Tabou de Murnau
NATURE

La terre et à elle accordée la mer
et partout au-dessus, une mer plus joyeuse
à cause de la rapide flamme des moineaux
et du trajet
de la lune reposante, et du sommeil
des doux corps entrouverts à la vie
et à la mort dans un champ ;
à cause aussi de ces voix qui descendent
s’échappant de mystérieuses portes, et bondissent
au-dessus de nous comme des oiseaux fous de revenir
en chantant au-dessus des îles originelles :
ici, se préparent
un grabat de pourpre et un chant qui berce
pour celui qui n’a pu dormir,
si dure était la pierre,
et si tranchant l’amour.

Mario Luzi, La Barque in Prémices du désert.

Piero Bigongiari

Dériver à même la Terre !

Nous regardions du haut des rochers rouges la mer


Des doigts solaires tendent une main
à ton dernier instant surhumain :
c'étaient les doigts qui tremblaient parmi les
herbes agitées et les riches ombelles
d'un haut plateau ; les uns renvoyaient
en arrière la mer sur une rive ; les autres
corrigeaient tout à coup une dérive.



A travers les rapides de Mauritz STILLER 


Tout dans un humain qui ne semble pas
tel, perdu après le talisman
perdu par ton regard sur les rochers
rouges : il faisait froid ; la vague hurlait, écueil
écumeux dans les criques qui poussaient
toujours plus loin notre voyage :
Anthéor était déjà un ante hoc...


Maintenant il est ici, dans la violence féroce
de la mort qui peut-être se défend,
je pense, du tremblement liquide de la vie
dans son seau agité.
Tu le portais, tu le portes, près du feu :
il est transparence, jeu du destin
qui a perdu la partie : un seau flamboyant


près de ce limpide ou déjà rauque ?
écoulement de ce qui ne s'imagine pas parce que
il n'a pas d'image. L'ennemi a disparu,
même l'horizon qui fut ami
de nos cris : ici dans l'air épais
quelque chose s'attarde dans le foisonnement
solitaire de l'amour avec lui-même.



Piero Bigongiari, extrait de Ni terre ni mer,