mercredi 13 mars 2013

Sylvia Plath


De la pierre au nuage, le don.....


Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi. 
Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors, 
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète, 
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.  

  ... 


Sur la route de Madison d'Eastwood


Je ne m’y suis pas trompée. Je t'ai reconnu aussitôt. 
L'arbre et la pierre scintillaient, ils n'avaient plus d'ombres.
Je me suis déployée, étincelante comme du verre. 
J'ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don. 

Sylvia Plath, Lettre d'amour

Pierre Jean Jouve


Tout de grès est le Ciel !


La Femme sur la lune de  F Lang..... (Merci Florian!)



Le grès épais et gravé nourri d’or

Sans que l’or s’éloigne du vert sans que le vert

Soit séparé de l’or et sans que l’or

Soit légitime autrement que désert

        

N’importe où : et le poids magique du silence 

Tient la main car le saint a modelé le creux 

De la mer dans l’adorable patience 

De la perfection d’un ciel aventureux.


Pierre Jean Jouve - Grès



mardi 12 mars 2013

Giono


La géologie de Giono.....


Cet endroit me plaît. Je m'approche du poteau et je lis les noms qui ne me disent rien. A quinze cents mètres il y a un patelin, mais je le trouve un peu trop près de la grand-route. Je le vois. Il n'est pas mal. Les toitures sont en bon état. Le clocher est cossu. Il y a des signes extérieurs de richesse. Les vergers sont rouge comme d'où je suis parti tout à l'heure. Ce qui me touche, c'est quatre ou cinq plants de cosmos dans les champs. Je remarque aussi des haies de cognassiers croulantes de fruits et quelques vignes dont les raisins ne sont pas encore mûrs. Ce n'est pas un pays de vignobles : c'est de la vigne de petit bonhomme. Les champs sont très morcelés. Les plus grandes parcelles ont cinquante mètres de côté. Malgré ça, ils ont fait du blé et non de l'orge. Tout est installé sur les limons que le torrent a deversés. Ils ont canalisé le lit de pierres où maintenant fricote un peu d'eau noire. Le cantonnier à l'air d'être à la coule et les crédits de la commune respectables. Ils ont fait un pont qui vaut le jus. A 7 km 800 il y a, paraît-il, un autre village. Le nom seul est un programme. Il doit être enfermé dans un défilé qui doit se poser là. 






Pale Rider de Clint Eastwood



Je n'ai pas d'idées. Le matin s'avance. Il y a déjà quelques abeilles. Je fais les quinze cents mètres à la papa. La route est mieux à mon goût. C'est un chemin vicinal de trois à quatre mètres de large à peine, très souple au pied et qui respecte toutes les propriétés. On planterait un piquet devant lui, il en ferait le tour à bonne distance. C'est ce qu'il a fait quand on l'a tracé. Il est bordé de jardins potagers de chaque côté et je constate qu'ici on aime les fleurs. Dommage que ce soit si près de la grand-route. Il y a des zinnias qui pourraient me décider à être poli et conciliant.
De près c'est un village comme les autres, sauf un truc qui me fout la trouille : un château à tourelles. Pas de château à tourelles dans l'état d'esprit où je suis. J'ai soupé des châteaux à tourelles.

Je tourne court après la fontaine et je m'envoie du côté de ce fameux endroit qui est à 7 km 800. La route suit le torrent et je prends un véritable plaisir pendant plus d'une heure. Je domine le lit large et sonore encombré d'aulnes et de bouleaux. J'aime cette saison. Elle est tendre. La grive chante dans les taillis. Ce qu'elle dit est exactement en rapport avec les feuilles mortes dorées et le petit vent froid. C'est un oiseau modeste mais qui connaît son affaire.

Je marche encore un bon moment et j'arrive à une maison qui touche presque la route. C'est un corps de bâtiment trapu et montagnard dans un petit bosquet de châtaigniers. Je m'avance. La porte de l'étable est ouverte. Je remarque deux ou trois petites choses à quoi je suis très sensible, notamment un banc posé en belle place à un endroit où il y a de la vue. Les quelques outils que je vois soigneusement appuyés à l'abri des murs sont emmanchés solidement.

Jean Giono, extrait des Grands Chemins.

lundi 11 mars 2013

E. Dickinson

La beauté du "caillou" est le commencement

                             du terrible....

Je voudrais être foin ! Mais tout comme la nature humaine passe pour un mystère, qui s’aventure à citer le plus la Nature : N’a pas fréquenté son domaine/ou mis à nu son spectre./On plaindra moins ceux qui l’ignorent/En regrettant aussi/Que l’approcher 
n’avance à rien/Plus on veut la connaître







Death for sale de Faouzi Bensaïdi 





            Heureux le petit caillou
            Vagabondant seul sur la route

                   (…)                                                            

             Indépendant, tel le soleil
             Il luit sociable ou solitaire                       
             Et remplit le décret divin
                     En toute simplicité.

                                                                                                     Emily Dickinson

samedi 9 mars 2013

Benjamin Péret


Les pierres ont un respire.....



Tree of life de Mallick




DORMIR DANS LES PIERRES

 Assise flamberge assis vents
 la mer se décolore et le rouge domine
 le rouge de mon cœur est le vent de ses îles
 le vent qui m’enveloppe comme un insecte
 le vent qui me salue de loin
 le vent qui écoute le bruit de ses pas décroître sur mon ombre 
si pâle qu’on dirait un poisson volant
 As-tu senti les cheveux se dénouer comme les aiguilles d’une pendule
 et le souffle des pierres s’atténuer de crainte que les mains ne les remarquent
 As-tu senti la sève jaillir hors des arbres de paille
 et se répandre sur les fleuves 

Benjamin Péret, Dormir dans les pierres

vendredi 8 mars 2013

Angèle Paoli



Prendre le chemin "des pierres"....



Plissés de pierre

L'Homme de cendres de Nouri Bouzid



Tu arpentes d’un mur à l’autre
en suivant d’obscurs escaliers
les remparts en ruine de ta mémoire
des pans entiers se dérobent
sous tes pas incertaine
tu cherches où trouver un appui
rampes de limailles
escaliers de soie dure
échancrures crénelées
plissés de pierre
argentés
invisibles moucharabieh

Angèle Paoli.(Poème déniché dans *Terres de Femmes*)

William Faulkner


La seule trace, une pierre tombale.....



Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson
On laisse si peu de trace, voyez-vous. On naît, on essaye ceci ou cela sans savoir pourquoi, mais on continue d’essayer ; on naît en même temps qu’un tas d’autres gens, tout embrouillé avec eux, comme si on s’efforçait, comme si on était obligé de faire mouvoir avec des ficelles ses bras et ses jambes, mais les mêmes ficelles sont attachées à tous les autres bras et jambes et tous les autres essayent également et ne savent pas non plus pourquoi, si ce n’est qu’ils se prennent dans les ficelles des autres comme si cinq ou six personnes essayaient de tisser un tapis sur le même métier mais avec chacune d’elles voulant tisser sur le tapis son propre dessin ; et cela ne peut pas avoir d’importance, on le sait, ou bien Ceux qui ont installé le métier à tisser auraient un peu mieux arrangé les choses, et pourtant cela doit avoir de l’importance puisque l’on continue à essayer ou que l’on est obligé de continuer, et puis tout à coup tout est fini et tout ce qui vous reste est un bloc de pierre avec quelque chose de griffonné dessus, en admettant qu’il y ait quelqu’un qui se souvienne ou qui ait le temps de faire mettre le marbre en place et d’y faire marquer quelque chose, et il pleut dessus et le soleil brille dessus et au bout d’un peu de temps on ne se rappelle plus ni le nom ni ce que les marques essayaient de dire, et cela n’a pas d’importance. 

William Faulkner, Absalon, Absalon!