jeudi 21 mars 2013

Colette

La Pierre se met à nu....



The River de F. Borzage (Qui me suit, sait que Florian Poinot est ma boite à images!)


Sur ce roc incliné, il rêva de possession comme en peut rêver un adolescent timide, mais aussi comme un homme exigeant, un héritier âprement résolu à jouir des biens que lui destinent le temps et les lois humaines. Il fut, pour la première fois, seul à décider du sort de leur couple, maître de l'abandonner au flot ou de l'agripper à la saillie du rocher, comme la graine têtue qui, nourrie de peu, y fleurissait...

Colette, Le Blé en herbe

Ludovic Degroote


Les Murs sont nos labyrinthes intérieurs.....

... Filer le présent

Quand la ville dort de John Huston


les murs deviennent vieux

et la hauteur des villes

passe à travers

ceux qui passent

comme sans centre

et sans murs ils passent à travers

cette brutalité du monde

qui s’enferme mal

mémoire en friche

qui les pousse à disparaître

dans le havre du temps

sans tour et sans coin

ta ville tu la tiens dans ta main

et sa mémoire c’est la tienne

qui s’en va

filer le présent.

Ludovic Degroote (extrait, Monologue)

mardi 19 mars 2013

Julien Gracq

Les Pierres ont du souffle......


Saint-Flour : il y a un rappel de l’Italie dans la manière qu’a la ville de coiffer de ses tours la colline abrupte, dans le dessin spacieux de son esplanade, dans la belle pierre noire de ses hôtels aux courbes herbeuses, qui sont ceux d’une ancienne petite cité princière de l’Apennin ou des Abruzzes ; mais, dès qu’on quitte le sommet du plateau – sa cathédrale, son évêché, ses lourds bâtiments officiels carrés et l’arceau bas de leur porche, frais et ombreux comme le corps de garde d’une capitainerie de Castille – la dégringolade paysanne des ruelles de terre ravinées est pleine de chats errants et de traînées d’urine. Du haut de sa terrasse, par delà la coupure profonde du ravin, on découvre l’énorme dos de baleine de la Margeride qui court plonger vers le sud, les lourdes ombres de ses nuages glissant sur des sapinières plus touffues que celles des Vosges

Julien Gracq, Carnets du grand chemin





Kagemusha de  kurosawa



.....les pont-levis s'abaisseront, et les femmes du château le laveront, le parfumeront et le vêtiront de samit, de soie d'Orient et de fourrures de Varangie et le roi le priera au soir dans la grand'salle. Et les chevaliers siègeront à leur rang sur les lits de brocart d'or. Et les portes d'ivoire s'ouvriront, et les trompettes sonneront, et Montsalvage, jusqu'aux plus creux de ses pierres ne sera plus qu'un seul souffle suspendu. Et le Graal sera porté par des vierges de haut lignage sur un plateau de pierres précieuses, et il sera lumière, musique, parfum et nourriture. Et le Graal sera porté devant le Très Pur, et les lèvres du Très Pur murmureront la question qui brise les charmes : "Quel nom est le lien, le plus éclatant que la merveille ?". et la Colombe descendra sur les airs, le Graal éclatera dans la splendeur, la plaie d'Amfortas guérira, la vie coulera aux veines dans toute sa force, et le Très Pur règnera avec honneur sur Montsalvage. 

Julien Gracq, Le Roi-Pêcheur

dimanche 17 mars 2013

Mario Luzi,



Ce qui traverse la Pierre......


 Schloss Vogelöd  de Murnau


Elle s’avance entre les murs, elle est proie de la lumière


Elle s’avance entre les murs, elle est proie de la lumière…
sans doute était-ce toi, à cet instant elle est une apparition
ou peut-être tout cela qui n’a pas de paix
ou de repos ou de mouvement et qui n’est pas vrai
ni privé de substance, vanité que seul
de purs miroirs trahissent en tremblant.


C’est une vague figure, qui n’a pas de répit….
elle est notre, je la croyais une chimère
si d’aucune apparaissait par miracle
sous d’arides pentes, inconsolée,
par des voies obscures où rien ne vit plus,
rien, sinon l’espoir du tonnerre.

 Mario Luzi,  Prémices du désert.

samedi 16 mars 2013

Edouard Glissant/fragment/Besson


L'étoilement des roches......

 Les pays que j’habite s’étoilent en archipels. Ils racontent les temps de leurs éclatements. Quand nous rencontrons un morceau impénétrable de temps, une roche incassable, ce qu’aussi nous appelons un bi, nous voici devant ce bi de temps, nous n’en sommes pas désenvironnés, nous faisons le tour de cette obscurité, nous piétons dans la moindre ravine ou le plus petit cap, jusqu’à entrer dans la chose. L’éclat des temps tout comme les éclats du temps n’égarent pas, dans nos pays.

Edouard  Glissant



Ghost Dog de Jim Jamursh





Une pierre dans mon jardin….….. Le paradoxe  du Poète contemporain ????


Etoilement de soi ou identité du monde par Sylvie Besson.

      Le chemin le plus sûr qui mène à une réflexion sur l’identité et l’altérité est sans doute celui emprunté par le voyageur, désireux de voir l’autre, de le confronter à soi. Les poètes-voyageurs tirent de cette expérience de l’ailleurs une conscience et reconnaissance de l’autre en même temps qu’un sentiment d’instabilité du moi et des pratiques culturelles qui les sous-tendent. Pour eux, l’écriture poétique devient une écriture en voyage où le sujet multiplie ses chances de faire un tour du côté de l’autre et de trouver dans la précarité de ses rencontres une identité renouvelée.
     S’agirait-il alors pour ces  poètes de l’extrême contemporanéité (D Fourcade) d’effectuer par le détour de l’autre  une remise en question de soi et du monde?  Serait-ce à dire également que c’est la prise de conscience de l’enfermement du moi sur lui-même qui pousse le poète à délaisser les sentiers battus, et que sa survie dépendrait de la remise en route du mécanisme d’échange, donc du rétablissement de la relation avec l’autre  ?
    La réponse, en poésie, demeure paradoxale : en effet, le travail du poète est celui d’un solitaire et le désir de partir reste ambigu, car à peine est-il parti puis confronté à l’autre que le poète revient promptement à la question de l’étrangeté de son Moi si irrémédiablement liée à la pratique de son écriture.

   Ainsi lorsque les poètes d’aujourd’hui  prennent la plume  c’est pour saisir la chance de s’absenter d’eux-mêmes en tant qu’hommes parmi les hommes, une façon d’écrire dans un état de déterritorialisation;  en outre, l’autre, en territoire poétique, contrairement au voyage romanesque, n’existe que pour être traversé. De ces traces charnelles/immanentes, les poètes laissent apparaitre de nouveaux tracés identitaires entre diffraction et concentration,  composant ainsi les scholies d’une errance collective. Il s’agirait finalement de maintenir une identité en creux, « présence en écho », « immersion dans la démesure », « cendres et poussières omniprésentes », « engluement boueuse ou terreuse », « mers solaires et déserts mouvementés »… afin d’empêcher le Sujet en eux de se figer et célébrer, dans un lyrisme critique, l’Ouvert du monde.
     L’ambivalence du voyage en tant que lieu réel/ lieu fantomatique signale que le lieu poétique où se forme l’identité du sujet-lyrique se trouve dans l’affirmation de ce passage ambivalent. Les Poètes se libèrent, in fine,  du point de départ, du point de chute, des points de rencontre du lyrisme traditionnel afin de révéler un monde inépuisable. C’est ce principe vital que susciterait la création poétique elle-même : une identité inscrite dans le devenir du monde, élément dynamique en perpétuelle genèse.

 Sylvie Besson (fragment!)

vendredi 15 mars 2013

Hermann Hesse


Pétrification absolue....




Les amants de la nuit de Ray



Là-bas, loin par-delà les monts,
Une pâle lune paresse
Et sous ses éternels rayons
Demeure ma morte jeunesse.

             

Là-bas, loin par-delà les monts,
Auprès du tombeau de la reine,
Mon amour mort, hâve, harassé,
Comme un fantôme se promène.

            

Là-bas, loin par-delà les monts,
Où sont les temples froids de pierre,
Devant mes dieux morts, dans le vent,
Errante, pleure une prière


Hermann Hesse, Là-Bas

Bernard Noel


La pierre s'anime.....


Certains bâtissent une respiration
ils savent que dedans et dehors
souffle le même espace
ils savent que les murs ne doivent
ni couper le souffle
ni boucher la vue


Bernard Noel, Les yeux dans la couleur




La Bête et la Belle de Cocteau






Toi qui es dans mon tu 

mon présent est une pierre
tu la jettes dans mes yeux

la page de verre monte
le visage éclate dedans

je tète le blanc
le linge du regard volé

le lit du temps coule
au milieu de la bouche




La Belle et la Bête de Cocteau


Bernard Noel,  L’ombre du double