L'étoilement des roches......
Les pays que j’habite s’étoilent en archipels. Ils racontent les temps de leurs éclatements. Quand nous rencontrons un morceau impénétrable de temps, une roche incassable, ce qu’aussi nous appelons un bi, nous voici devant ce bi de temps, nous n’en sommes pas désenvironnés, nous faisons le tour de cette obscurité, nous piétons dans la moindre ravine ou le plus petit cap, jusqu’à entrer dans la chose. L’éclat des temps tout comme les éclats du temps n’égarent pas, dans nos pays.
Edouard Glissant
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Ghost Dog de Jim Jamursh |
Une pierre dans mon jardin….….. Le paradoxe du Poète contemporain ????
Etoilement de soi ou identité du monde par Sylvie Besson.
Le chemin le plus sûr qui mène à une
réflexion sur l’identité et l’altérité est sans doute celui emprunté par le
voyageur, désireux de voir l’autre, de le confronter à soi. Les poètes-voyageurs tirent de cette expérience de
l’ailleurs une conscience et reconnaissance de l’autre en même temps qu’un
sentiment d’instabilité du moi et des pratiques culturelles qui les
sous-tendent. Pour eux, l’écriture poétique devient une écriture en voyage où
le sujet multiplie ses chances de faire un tour du côté de l’autre et de
trouver dans la précarité de ses rencontres une identité renouvelée.
S’agirait-il alors pour ces poètes de l’extrême
contemporanéité (D Fourcade) d’effectuer par le détour de l’autre une remise en question de soi et du
monde? Serait-ce à dire également que
c’est la prise de conscience de l’enfermement du moi sur lui-même qui pousse le
poète à délaisser les sentiers battus, et que sa survie dépendrait de la remise
en route du mécanisme d’échange, donc du rétablissement de la relation avec
l’autre ?
La réponse, en poésie, demeure paradoxale : en effet, le travail du
poète est celui d’un solitaire et le désir de partir reste ambigu, car à peine
est-il parti puis confronté à l’autre que le poète revient promptement à la
question de l’étrangeté de son Moi si irrémédiablement liée à la pratique de
son écriture.
Ainsi lorsque les poètes d’aujourd’hui prennent la plume c’est pour saisir la chance de
s’absenter d’eux-mêmes en tant qu’hommes parmi les hommes, une façon d’écrire
dans un état de déterritorialisation; en outre, l’autre, en territoire poétique,
contrairement au voyage romanesque, n’existe que pour être traversé. De ces
traces charnelles/immanentes, les poètes laissent apparaitre de nouveaux tracés
identitaires entre diffraction et concentration, composant ainsi les scholies d’une errance
collective. Il s’agirait finalement de maintenir une identité en creux, « présence
en écho », « immersion
dans la démesure », « cendres
et poussières omniprésentes », « engluement
boueuse ou terreuse », « mers
solaires et déserts mouvementés »…
afin d’empêcher le Sujet en eux de se figer et célébrer, dans un lyrisme
critique, l’Ouvert du monde.
L’ambivalence du voyage en tant que lieu
réel/ lieu fantomatique signale que le lieu poétique où se forme l’identité du
sujet-lyrique se trouve dans l’affirmation de ce passage ambivalent. Les Poètes
se libèrent, in fine, du point de départ, du point de chute, des
points de rencontre du lyrisme traditionnel afin de révéler un monde inépuisable. C’est ce principe
vital que susciterait la création poétique elle-même : une identité inscrite dans le devenir du
monde, élément dynamique en perpétuelle genèse.
Sylvie Besson (fragment!)