mardi 12 mars 2013

Giono


La géologie de Giono.....


Cet endroit me plaît. Je m'approche du poteau et je lis les noms qui ne me disent rien. A quinze cents mètres il y a un patelin, mais je le trouve un peu trop près de la grand-route. Je le vois. Il n'est pas mal. Les toitures sont en bon état. Le clocher est cossu. Il y a des signes extérieurs de richesse. Les vergers sont rouge comme d'où je suis parti tout à l'heure. Ce qui me touche, c'est quatre ou cinq plants de cosmos dans les champs. Je remarque aussi des haies de cognassiers croulantes de fruits et quelques vignes dont les raisins ne sont pas encore mûrs. Ce n'est pas un pays de vignobles : c'est de la vigne de petit bonhomme. Les champs sont très morcelés. Les plus grandes parcelles ont cinquante mètres de côté. Malgré ça, ils ont fait du blé et non de l'orge. Tout est installé sur les limons que le torrent a deversés. Ils ont canalisé le lit de pierres où maintenant fricote un peu d'eau noire. Le cantonnier à l'air d'être à la coule et les crédits de la commune respectables. Ils ont fait un pont qui vaut le jus. A 7 km 800 il y a, paraît-il, un autre village. Le nom seul est un programme. Il doit être enfermé dans un défilé qui doit se poser là. 






Pale Rider de Clint Eastwood



Je n'ai pas d'idées. Le matin s'avance. Il y a déjà quelques abeilles. Je fais les quinze cents mètres à la papa. La route est mieux à mon goût. C'est un chemin vicinal de trois à quatre mètres de large à peine, très souple au pied et qui respecte toutes les propriétés. On planterait un piquet devant lui, il en ferait le tour à bonne distance. C'est ce qu'il a fait quand on l'a tracé. Il est bordé de jardins potagers de chaque côté et je constate qu'ici on aime les fleurs. Dommage que ce soit si près de la grand-route. Il y a des zinnias qui pourraient me décider à être poli et conciliant.
De près c'est un village comme les autres, sauf un truc qui me fout la trouille : un château à tourelles. Pas de château à tourelles dans l'état d'esprit où je suis. J'ai soupé des châteaux à tourelles.

Je tourne court après la fontaine et je m'envoie du côté de ce fameux endroit qui est à 7 km 800. La route suit le torrent et je prends un véritable plaisir pendant plus d'une heure. Je domine le lit large et sonore encombré d'aulnes et de bouleaux. J'aime cette saison. Elle est tendre. La grive chante dans les taillis. Ce qu'elle dit est exactement en rapport avec les feuilles mortes dorées et le petit vent froid. C'est un oiseau modeste mais qui connaît son affaire.

Je marche encore un bon moment et j'arrive à une maison qui touche presque la route. C'est un corps de bâtiment trapu et montagnard dans un petit bosquet de châtaigniers. Je m'avance. La porte de l'étable est ouverte. Je remarque deux ou trois petites choses à quoi je suis très sensible, notamment un banc posé en belle place à un endroit où il y a de la vue. Les quelques outils que je vois soigneusement appuyés à l'abri des murs sont emmanchés solidement.

Jean Giono, extrait des Grands Chemins.

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