vendredi 12 juillet 2013

Didier Manyach



Une voix d'ailleurs.....


Ce Nom où s’accomplit la déchirure

s’étend jusqu’à l’infini du pensable.

Il annule les formes de l’Identité

et il est ainsi le seul Lieu situable.


Là où l’espace rejoint  le silence  l’écho.


Nuit profonde

Notes sourdes et répétitives du Gembri

entraînant les crotales

les scorpions au milieu des étoiles

& les dunes s’assombrissent dans le couchant

Nuit religieuse

le chant au loin se détache

les tambours emportent la voix au-delà des espaces

où le corps voyage.


Grigris de Mahamat-Saleh Haroun 


Soudain l’esprit se révulse

frémit dans les sables

serpent noir enroulé autour du méridien

& dans la frénésie un homme se lève

chevauché, ruisselant, par le Démon.

Les crotales galopent

le tambour bat

le sang des tempes

et l’homme s’évanouit

convulsé dans la lumière noire.


Toutes les vies nous manquent.

Le dessin sur le sable  que la main efface

les mots dans la pensée

que la parole oublie.


Buvant du vin de palme dansant ou travaillant

célébrant la nouvelle récolte

pendant que l’image du léopard traverse la brousse …


Nuit qui reprend force

dans le ventre lagunaire des dieux Yorubas

nuit éclairée par les pluies ...

 Yovo Yovo comment ça va ?

 Didier Manyach  (Sous les Pluies de Mangues ...Afrique)
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Découvrez un autre poète Yasmina Hasnoui, dont l'oeuvre Cargo Blues sort en septembre, préfacée par Didier Manyach

  1. Correspondance de nuit

    correspondancedenuit.blogspot.com/

  1. une chute
    et
    retour du cri
    ce cri qui un jour a jailli
    qui un jour a longé l’os
    sans pause
    ... sans arrêt
    sur l’articulation molle
    retour dans les crânes
    lissés par sa course
    retour dans les corps
    aux cliquetis éteints
    retour au départ

    lâcher-prise

    les ongles ne cherchent plus d’aubes à griffer

    retour
    c’est fait

    la nuit est tombée


    Ici, extrait d'une autre oeuvre, Italiques mnésiques, Yasmina Hasnaoui
http://correspondancedenuit.blogspot.fr/p/blog-page.html



Du Bouchet



La voix est-elle un souffle ?




 Loin du souffle

Into the wild de Sean Penn



M'étant heurté, sans l'avoir reconnu, à l'air,
je sais, maintenant, descendre vers le jour.
Comme une voix, qui, sur ses lèvres même,
assécherait l'éclat.
Les tenailles de cette étendue,
perdue pour nous,
mais jusqu 'ici.



J'accède à ce sol qui ne parvient pas à notre
bouche, le sol qui étreint la rosée.
Ce que je foule ne se déplace pas,
l'étendue grandit

André Du Bouchet
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Conseil de lecture.....



vendredi 5 juillet 2013

Ancet


L'inquiétante étrangeté de la voix.....


.......tu ne te reconnais plus, ta voix se fige,
tu suces un morceau de glace sonore, plus rien
ne sort de ta bouche qu'un filament de salive 
qui luit, qui durcit, pourras-tu jamais parler,
les jours se succèdent comme des images blanches,
ils t'emportent, te ramènent à la même présence
de cette voix qui parfois en sait bien plus que toi,
on dirait qu'elle n'a pas bougé, qu'elle t'attend 
tu ne sais où, quelque part au milieu de ces mots
qu'elle prononce dans ta bouche, tu les écoutes,
tu parles comme si tu ne savais pas parler,
ce que tu dis tu ne le comprends pas mais c'est là,
c'est une évidence comme l'air que tu respires,
comme cette table sous ta main où tu t'appuies,
qui te résiste, qui te rappelle le miracle
quotidien, aller dans la vapeur du jour levé,
traverser une place, dire je suis vivant,
je marche, je fais l'espace, longer une rue,
le café où l'homme lit les nouvelles du jour,
le joailler, le magasin de prêt-à-porter,
répéter je suis vivant, entrer dans une allée, 
passer à côté d'un vélo, de quatre poubelles,
monter des marches poussièreuses, ouvrir une porte, 
la refermer, écouter les voix dans l'escalier, 
le petit chien qui s'égosille, le grincement
des pas au-dessus, ne plus dire mais se sentir
vivant, malgré tant de raisons de ne pas y croire,
vivant, oui, tu voudrais que tout répète avec toi
vivant la table, la chaise, vivant le passant
croisé, vivant le feuillage, le ciel qui se couvre,
les toits poudrés de neige, le vent froid qui te giffle,
l'air qui te traverse, vivant, mais les mains tendues,
les corps prostrés, les yeux vides crachent leur silence,


La ronde de l'Aube de Douglas Sirk (d'après Faulkner)


alors tu ne dis plus, tu t'enfonces dans ta honte
de vivant vivant, tu sens quelque chose qui monte
en toi, qui appelle, une rumeur, un grondement,
et quand tu cries, ce n'est pas toi qui crie mais le cri
de toutes les gorges dans ta gorge, tu voudrais
dire la vie et sa beauté , tu dis la douleur,
et la mort, tu serres les dents, tu serres les poings
ou tu ne serres rien, tu étouffes simplement,
et pourtant tu es vivant....
.
Jacques Ancet, L'identité obscure (extrait du Chant 10)

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Note de lecture sur Ode au Recommencement.


http://poezibao.typepad.com/poezibao/2013/06/note-de-lecture-jacques-ancet-ode-au-recommencement-par-yann-miralles.html

Mandelstam


Aucune voix ne sauve....



Orphée de Cocteau

Le passant

J’éprouve une crainte plus forte que moi
En présence du mystère des hauteurs,
L’hirondelle dans le ciel me donne joie
Et j’aime les cloches voilières.

Pareil, dirait-on, à un piéton d’autrefois,
Aux passerelles ployant sur l’abîme
J’écoute la croissance des mottes de neige,
L’éternité sonne sur son horloge de pierre.

Hélas !… je ne suis pas ce voyageur
Qui s’efface parmi les feuillages éteints,
Chez moi, vraiment, c’est le chagrin qui chante.

Il y a une vraie avalanche dans les montagnes !
Mon âme tout entière est dans les cloches,
Mais la musique ne sauve pas du gouffre.

Ossip Mandelstam, La Pierre
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Conseil "critique"........


London


La dernière Voix....


Le désir de vivre, se dit-il avec mépris, en tâchant vainement d’empêcher ses poumons en feu d’aspirer l’air. Il fallait essayer d’une autre manière. Il respira à fond, de façon à pouvoir descendre très profondément. Puis, il plongea la tête la première, en nageant de toutes ses forces et de toute sa volonté. Les yeux ouverts, il voyait les bonites rapides zébrer l’eau de flèches phosphorescentes. Il espéra qu’elles ne l’attaqueraient pas, car la tension de sa volonté aurait pu se relâcher. Mais elles ne s’occupèrent pas de lui et il remercia la vie de cette dernière faveur.


Birdy de Alan Parker 

Il nagea encore, toujours plus profondément. Ses bras et ses jambes, rompus de fatigue, ne remuaient plus que faiblement. La pression de l’eau était douloureuse à ses tympans et sa tête bourdonnait. Son endurance était à bout, mais il se força à descendre plus bas encore. Bientôt sa volonté l’abandonna. Au milieu d’un grand bouillonnement, ses poumons se vidèrent complètement de l’air qu’ils conservaient encore. Tels de minuscules ballonnets, de petites bulles glissèrent en rebondissant sur ses joues et devant ses yeux dans une ascension éperdue vers la surface. Puis vinrent la souffrance et l’étouffement. Ce n’était pas la mort encore, se dit-il, au bord de l’inconscience. La mort ne faisait pas souffrir. C’était la vie, cette atroce sensation d’étouffement : c’était le dernier coup que devait lui porter la vie.

Ses mains et ses pieds, dans un dernier sursaut de volonté, se mirent à battre, à faire bouillonner l’eau, faiblement, spasmodiquement. Mais malgré ses efforts désespérés, il ne pourrait jamais plus remonter ; il était trop bas, trop loin. Il flottait languissamment, bercé par un flot de visions très douces. Des couleurs, une radieuse lumière l’enveloppaient, le baignaient, le pénétraient. Qu’était-ce ? On aurait dit un phare. Mais non, c’était dans son cerveau, cette éblouissante lumière blanche. Elle brillait de plus en plus resplendissante. Il y eut un long grondement, et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.

Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir.

Jack London, Martin Eden
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Tout London en Libretto....



http://www.editionslibretto.fr/catalogue-thematique?theme=les.oeuvres.de.jack.london&tri_catalogue=titre

Jack London, Martin Eden

Jabès



La voix , silencieusement, dit.....





Paris-Texas de wenders



   Je suis un silencieux. Je me demande, grâce au recul que je prends, maintenant, avec ma vie, si ce goût prononcé pour le silence n’a pas son origine dans la difficulté qui, de tout temps,fut la mienne, de me sentir d’un quelconque lieu.
 Avant de connaître le désert, je savais qu’il était mon univers. Seul le sable peut accompagner une parole muette jusqu’à l’horizon.
 Écrire sur le sable, à l’écoute d’une voix d’outre-temps, les limites abolies. Voix violente du vent ou, immobile, de l’air, cette voix vous tient tête. Ce qu’elle annonce est ce qui vous agresse ou écrase. Parole des abyssales profondeurs dont vous n’êtes que l’inintelligible bruit; la sonore ou l’inaudible présence.

S’il fallait une image au Rien, le sable nous la fournirait.
Poussière de nos liens. Désert de nos destins.


Edmond Jabès, Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format
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Conseil de lecture critique....Par ce livre inédit, les Editions Seghers font entrer l'une des figures majeures de la poésie du XXe siècle dans la collection «Poètes d'aujourd'hui». Edmond Jabès, né au Caire en 1912 dans une famille juive francophone, n'est pas seulement un passeur de cultures et de mémoire entre les rives de la Méditerranée : il est aussi, comme l'écrivait René Char, l'auteur d'une oeuvre «dont on ne voit pas d'égal en notre temps». Du Livre des questions au Livre de l'hospitalité, Didier Cahen s'attache à suivre, dans l'oeuvre de l'écrivain dont il fut l'ami, les lignes déliées de la création poétique. L'anthologie qui compose la seconde partie de l'ouvrage fait entendre le chant d'amour et d'espérance d'un poète qui habita le monde en nomade. -4ème de couverture- 



mercredi 3 juillet 2013

Colette,


La voix du souvenir....



Phantom Lady de  Robert Siodmak

Il me faut miraculeusement, dans mon sommeil, mêler mes provinces bien-aimées, la natale et les autres, et les palper à tâtons si je m’éveille en pleine nuit, interroger la sonnerie d’une grosse montre – je sais pourtant bien qu’elle est en Provence -, l’espagnolette d’une fenêtre qui n’existe plus que dans mon souvenir, une table de chevet captive en Bretagne, un bouton de cuivre qui brillait, il a un demi-siècle, sur la porte de ma chambre d’enfant… 

Un mur lisse, une tenture rugueuse, un verre d’eau abolis, brisés, exilés, renaissent, le temps que je revienne à moi. Leur rencontre est un instant inestimable, aussi fugitif que le givre par un jour pur, le seul instant où je puisse sentir sous ma main, presque palpable, la fleur pulvérulente du passé, un don consenti par la mémoire des sens, invétérée en moi comme 
seraient le bégaiement et la claudication…

Colette, En pays connu.
(Merci Alain A.)

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  A voir....