mercredi 6 mars 2013

Julien Green


La grandeur sinistre des pierres...


Le Troisième homme de Carol Reed 


Au milieu du chantier, se dressaient trois tas de charbon, de taille égale, séparés les uns des autres, malgré les éboulements qui brisaient la pointe de leurs sommets et tentaient de rapprocher leurs bases en les élargissant. Tous trois renvoyaient avec force la lumière qui les inondait; une muraille de plâtre n'eût pas paru plus blanche que le versant qu'ils exposaient à la lune, mais alors que le plâtre est terne, les facettes diamantées du minerai brillaient comme une eau qui s'agite et chatoie. Cette espèce de ruissellement immobile donnait aux masses de houille et d'anthracite un caractère étrange ; elles semblaient palpiter ainsi que des êtres à qui l'astre magique accordait pour quelques heures une vie mystérieuse et terrifiante. L'une d'elles portait au flanc une longue déchirure horizontale qui formait un sillon où la lumière ne parvenait pas, et cette ligne noire faisait songer à un rire silencieux dans une face de métal. Derrière elles, leurs ombres se rejoignaient presque, creusant des abîmes triangulaires d'où elles paraissaient être montées jusqu'à la surface du sol comme d'un enfer. La manière fortuites dont elles étaient posées, telles trois personnes qui s'assemblent pour délibérer, les revêtait d'une grandeur sinistre. 

Léviathan de Julien Green 

mardi 5 mars 2013

Eugène Guillevic


La pierre du souvenir....



Le Chant

La seule pierre, peut-être,
Sur laquelle
J'ai posé mes lèvres
Pour un baiser
A travers le temps

Bright Star de Jane Campion

Car c'était de cette pierre
Que j'attendais le chant
Qui me permettrait


De supporter
La beauté du soir


Et l'espoir d'autres baisers
Qui viendraient.


Eugène Guillevic

'Antonin Artaud

Pierreries mentales.....



Le corps du ventre semble fait de granit, ou de marbre, ou de plâtre, mais d'un plâtre durcifié. Il y a une case pour une montagne [...]. L'air autour de la montagne est sonore, pieux, légendaire, interdit. L'accès de la montagne est interdit. La montagne a bien sa place dans l'âme. Elle est l'horizon d'un quelque chose qui recule sans cesse. Elle donne la sensation de l'horizon éternel. 




L'Homme qui voulut être roi de John Huston


  • Ma sensibilité est au ras des pierres, et peu s'en faut qu'il n'en sorte des vers, la vermine des chantiers délaissés. Mais cette mort est beaucoup plus raffinée, cette mort multipliée de moi-même est dans une sorte de raréfaction de ma chair. L'intelligence n'a plus de sang. La seiche des cauchemars donne toute son encre qui engorge les issues de l'esprit, c'est un sang qui a perdu jusqu'à ses veines, une viande qui ignore le tranchant du couteau.[...] toute cette chair n'est que commencements et qu'absences, et qu'absences, et qu'absences...
    Absences.



    Naked de Mike Leigh

    • Je sens toutes les pierres du monde et le phosphore de l'étendue que mon passage entraîne, faire leur chemin à travers moi. Ils forment les mots d'une syllabe noire dans les pacages de mon cerveau.

      L'Ombilic des Limbes d'Antonin Artaud (3 extraits)

lundi 4 mars 2013

.k Huysmans


  • De pierre en pierre, la vie monstrueuse des Cathédrales...

Elephant Man de Lynch


  • Elles sont surhumaines, vraiment divines, quand on y songe, les cathédrales !
    Parties, dans nos régions, de la crypte romane, de la voûte tassée comme l’âme par l’humilité et par la peur, se courbant devant l’immense Majesté dont elles osaient à peine chanter les louanges, elles se sont familiarisées, les basiliques, elles ont faussé d’un élan le demi-cercle du cintre, l’ont allongé en ovale d’amande, ont jailli, soulevant les toits, exhaussant les nefs, babillant en mille sculptures autour du chœur, lançant au ciel, ainsi que des prières, les jets fous de leurs piles ! Elles ont symbolisé l’amicale tendresse des oraisons ; elles sont devenues plus confiantes, plus légères, plus audacieuses envers Dieu.
    J.k Huysmans, La Cathédrale

Yves Bonnefoy


Comme des pierres....



Une Pierre

Il se souvient
De quand deux mains terrestres attiraient
Sa tête, la pressaient
sur des genoux de chaleur éternelle.

Étale le désir ces jours, parmi ses rêves,
 Silencieux le peu de houle de sa vie,
Les doigts illuminés gardaient clos ses yeux.

Mais le soleil du soir, la barque des morts,
Touchait la vitre, et demandait rivage.

Yves Bonnefoy



The Swimmer de Frank Perry



UNE PIERRE

Tout était pauvre, nu, transfigurable,
 Nos meubles étaient simples comme des pierres,
 Nous aimions que la fente dans le mur
 Fût cet épi dont essaimaient des mondes.

Nuées, ce soir,
 Les mêmes que toujours, comme la soif,
 La même étoffe rouge, dégrafée.
 Imagine, passant,
 Nos recommencements, nos hâtes, nos confiances.

Yves Bonnefoy


G Trakl,


Au pied de la Roche, la perte....



Mais comme je descendais la sente rocheuse,

la folie me terrassa et je criais,

haut dans la nuit,

et comme je me couchais 

avec des doigts d'argent sur les eaux muettes,

je vis que mon visage m'avait abandonné. 

Et la voix blanche me dit : Tue-toi !

Gémissante une voix d'enfant se leva en moi

et me regarda, rayonnante,

de ses yeux cristal, au point que je m'abattis

pleurant sous les arbres, 

la voûte puissante des étoiles



Padre, Padrone des Frères Taviani

(…)

Avec des semelles d'argent,

je descendis les degrés d'épine

et j'entrais dans la chambre blanchie

à la chaux

Calmement, un chandelier y brûlait

et je cachai ma tête

en silence dans les toiles pourpres.

Et la terre rejeta un cadavre d'enfant,

une forme lunaire

qui sortit lentement de mon ombre,

plongea bras cassés

des pierrailles, neige en flocons.


G  Trakl, Révélation et naufrage (extraits)

dimanche 3 mars 2013

Pierre-Albert Jourdan


La Pierre soulevée dans les airs ?


La colline des hommes perdus de Sydney Lumet

 Un vorace nuage de sollicitations tourbillonne autour de moi. Demain le matinal parfum des pinèdes sacrera la maison. J’ai l’impression de m’éveiller, d’être en retard. Mon pas fait rouler les pierres, je les entends cascader, c’est un bruit poignant, étouffé, de passé qui s’écroule. Je lève les yeux. Oui, là-haut, peut-être....

Pierre-Albert Jourdan, Le Bonjour et L'Adieu