samedi 5 janvier 2013

Didier Maynach


La lumière des étoiles mortes.....

De la mort des signes le feu obscur resurgira-t-il ?
Autrefois
j’étais roche d’étoile, poussière du grand-mouvement
non dissocié, absolument vide.
La lumière ruisselait...
Je fermais les yeux & la terre intérieure m’apparaissait.
J’étais eau et plante dans le fleuve et le sol
j’étais neige et soleil en fusion sur les cîmes
boue et sang, écume avant de naître
et nous errions sous des voûtes indescriptibles...
J’étais nébuleuse et veines de l’unique
grains de l’air et pollen des fleurs
Espace, voix du silence et des arbres.
On m’apportait des pluies, du vent, les crevasses gelaient


Dead Man de Jamursh

les ruisseaux emportaient les pierres
les oiseaux cherchaient des passes dans l’orage
nous remontions les courants jusqu’à l’abîme.
J’étais cascade et flamme
Chaos & Poème
avant de mourir au monde...

Impacts de Foudre, Didier Maynach

ancet



De la pierre à la poussière...le silence pesant du monde!


S'arrêter, regarder simplement l'aube qui vient,
poser la main sur la pierre froide et saluer
la lumière, dire les premiers mots, écouter
le crissement du sable, le bruissement de l'eau,
la rumeur des choses qui commencent mais le jour
est déjà le soir, on n'a rien pu saisir, on reste
vacant à regarder ses mains dans l'éclat des lampes
ou sur la vitre l'attente du visage noir,
on se perd, on se retrouve, il y a des silences
remplis de voix, des matins tombés comme des soirs,
plus on avance et moins on sait, on cherche demain
entre des mots qui disent hier, ce qu'on a gagné
on l'a perdu, comparé à ce qu'on a été
on n'est rien, disait-il, mais un rien qui insiste,
on guette entre les signes du corps l'imperceptible
grignotement tandis que sur la fenêtre brille
une sorte de splendeur, on voudrait y entrer,
être le courant et à la fois se voir couler,
on cherche, les choses semblent n'avoir pas bougé
mais quand on veut les prendre, les toucher, simplement,
c'est comme si elles reculaient, s'effaçaient
ne laissant sur les doigts qu'un peu de poussière à peine...

Rebecca d'Hitchcock.....L'Homme seul sur la pierre froide......
Extrait de L'Identité Obscure, Jacques Ancet



"Il disait : les pierres n'ont plus que nous. On les entendait crisser, comme des dents, on les voyait dressées avec leurs noms, leurs dates, ou enfouies dans l'herbe haute. Certaines même étaient couchées. Elles offraient un rebord pour s'asseoir et les sentir vivantes de la chaleur du jour. Il disait : les pierres nous font des signes même  quand nous ne les comprenons plus. Est-ce lui aujourd'hui que nous ne savons plus lire - ou de loin seulement ? On voit sa pierre, on voudrait s'approcher, mais elle recule. On la cherche entre tant d'autres. On marche. Les pieds se perdent de trop de pas. On ne trouve rien."

J.ANCET, extrait de Puisqu'il est silence.



Merle et ADam


La pierre ou la clef des choses 

Les Enchainés d'Hitchcock



La pierre a cette densité
d’un ciel d’orage tout entier
ramassé dans ma main

cette possibilité de cataclysme
comme une froide aspiration
de l’air qu’il me reste
à respirer

A l’homme qui saisit une pierre
le monde rappelle la vie
radicale et muette
de ce qui est

Emmanuel Merle, Ici en exil

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Boulet au coeur ou petit poucet rêveur ??????

Je voulais que tu m’aimes
Et maintenant tu m’aimes
Mais je t’en prie ne m’attends pas
Je ne viendrai pas à toi
Mon cœur est un caillou
Dans le jardin de quelques personnes
Dont certaines sont mortes
Et personne je l’espère ne peut suivre jusqu’à moi ces cailloux dispersés
Pourtant un seul il faut le croire
Et tout cela n’est qu’apparences
Y compris cette forteresse qui n’est telle
Que de ne pouvoir être trouvée
Alors je t’en prie nage jusqu’à la rive et tiens-toi sauve
Je suis un fantôme
Je suis un adieu

O'Brother des Frères Cohen

"Comptine" de Pascal Adam (blog Theatrum mundi)

vendredi 4 janvier 2013

Lorine Niedecker

"L'Homme et la Pierre", une question de vision?


« La vie est naturelle
Le Rebelle de Cukor

L'Homme et la Pierre, même douleur  ?
               dans l’évolution
                       de la matière

Rien en elle
              au-dessus de la pierre
                            simplement

les papillons
        sont plus vifs
            que la pierre

L’homme
          a la vie dure
                  sur ce perchoir rocheux 

près de la mer
        il imagine
                des œuvres pérennes

Wintergeen  Ridge, Lorine Niedecker

Réda

L'Homme, un caillou parmi les pierres!


J’aime le bas d’ici : je ramasse un caillou
Quelconque. Il a déjà cinq cents millions d’années
Et survivra longtemps aux races condamnées –
À la nôtre. Partir ? Vous voulez qu’on aille où ?

Je tiens ce bout de rien dans ma main peu-de-chose.
Je le palpe, le flaire, en très lointain neveu
Des durs qui l’ont cogné pour en tirer du feu,
Mais il reste confit dans sa lourde ankylose.

Je le médite. Il se réchauffe. Je dirai,
Quand j’entendrai tonner : « Qu’as-tu fait pour ton proche ? »
- Seigneur, j’ai réchauffé cet orphelin de roche,
Quelque part dans un terrain vague. Mais juré :
C’est lui qui m’a jeté quand il a vu ma poche

La  Ligne rouge de Terrence Makick
Jacques Réda

jeudi 3 janvier 2013

Pierre-Albert Jourdan


L'éphémère est-il de pierre ?

Citizen Kane de Welles (le château ou l'impossible retour!)


Les trois pierres

Au soleil d’aplomb il palpite comme une longue bête avec sa fourrure de pins qui le désigne.
Entouré de fumées rasant les terres il paraît le seul fermement accroché. Bête assagie, heureuse, humant les collines. Sous ses remparts démantelés glissent les chemins d’oubli, les chemins à vif. Dans ses caves profondes l’empreinte vertigineuse de la mer.
Il va dormir de mon sommeil. Je n’emporte que le saut joyeux de l’aube qui va pour le nommer, mais qui hésite à inscrire sur la pierre la masse de son secret.
Ainsi restera-t-il ouvert et sous la voûte des ruelles résonnera la course des enfants.
J’ai quelques instants, tenu ces visages dans mes mains, soudain dépossédées. Je laisse tout en ordre. Nul ne s’apercevra de mon passage. Ceci est bien et respecte la secrète noblesse du pays.
 Le bonjour et l’adieu

Pierre-Albert Jourdan

Sylvia Plath


De pierre en nuage......


Lettre d'amour 

Pas facile de formuler le changement que tu as fait en moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, indifférente totalement,
je restais là immobile suivant mon habitude.
Tu ne m'as pas seulement bougée d’un pouce, non -
Ni même laissé ajuster mon petit Œil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, bien sûr,
Une femme sous influence de Cassavetes
De pouvoir saisir le bleu, ou les étoiles.
Ce n'était pas ça. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires comme une roche noire
dans le hiatus blanc de l'hiver -
Comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement polies
Qui se posaient à tout moment afin de faire fondre
Ma joue de basalte. Et elles devenaient larmes,
Anges pleurant sur des natures monotones,
Mais je n'étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.
Et je continuais de dormir, comme un doigt tordu
La première chose que j'ai vue n'était que de l'air pur
Et ces gouttes enfermées qui montaient en rosée,

Limpides comme des esprits. Tout alentour
Beaucoup de pierres compactes et inexpressives
Je ne savais pas quoi faire de cela.
Je brillais, écaillée de mica,
et déroulée pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d'oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’étais pas laissé berner. Je t'ai reconnu aussitôt.
L'arbre et la pierre scintillaient, sans ombres.
La longueur de mes doigts a grandi, lucide comme du verre.
J'ai commencé à bourgeonner comme rameau de mars :
Un bras et une jambe, un bras, une jambe.
De pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, âme tournoyante,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don.

Sylvia Plath

Angèle Paoli,

 Creux et pierres , où poser sa supplication ?


Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. Je ne vais sans doute pas pouvoir marcher très longtemps sur la route. Je n’ai pourtant pas envie de renoncer. Je vais trouver un abri où pelotonner ma solitude. Il me semble me souvenir qu’en prenant sur ma gauche le sentier un peu large qui conduit jusqu’aux ruches, je vais déboucher sous les grottes qui précèdent la Pierre plate. La Pierre à palabres.

Angèle Paoli, Carnets de Marche, Les Éditions du Petit Pois




Villa Amalia de Benoit Jacquot

entre-deux pierres : rumeurs et résistance . Article de Sylvie Besson


Entre-deux pierres : rumeurs et résistance .

Article de Sylvie Besson

Zang-Khe......Le Funambule et la Pierre

L’image minérale ou la Chine intérieure : Cheng / Zhang-Ke
Entre-deux pierres : rumeurs et résistance .

     En Chine, la nature est le reflet de l’âme, mouvement ou souffle de l’esprit, elle n’est pas un décor, mais la part vitale de l’esprit, le mystère de la beauté ou l’effroi de celle-ci incarne ce que l’esprit porte en lui de secret et de nostalgique. La poésie de François Cheng restaure en ce sens une familiarité perdue ; la maîtrise de l’écriture poétique, de l’image, ce que lui-même nomme les rythmes de l’Entre, sont comme une matérialisation de la pensée ; il s’agit, en effet, de transmuer l’insaisissable en un corps de paroles solides comme la roche, dans un mouvement de ferveur et d’engagement de tout l’être devant la beauté du monde, qui n’est beauté que parce que le poète a le pressentiment d’images encore cachées derrière elle : « Derrière les yeux, le mystère / D’où infiniment advient la beauté / D’où coule la source du songe / Bruissant entre rochers et feuillages ». L’infini  minéral est alors  « le va et vient entre ce qui s’offre et ce qui se cherche », entre ce que nous accueillons des choses, dans leur solidité, et ce que nous découvrons des êtres tels qu’ils surviennent à travers elles, plus fragiles dans leur finitude. Ainsi, pour F. Cheng la beauté est partout permettant à celui qui sait la regarder de capter l’instant et de se retrouver en accord avec le monde : « Nous sommes l’instant / En nous jaillit le jour / Chaque fois / pour la première fois ». Le regard que le poète porte sur les choses permet d’apporter une lumière supplémentaire, un sens et une résonance à l’âpreté du monde et de mieux appréhender nos élans et nos désirs irrépressibles. On relève ainsi chez F Cheng, ce qui est somme toute lié à sa culture, le jeu d’oxymores récurrents emmené par des métaphores saisissantes et incandescentes : « Apprends-nous nuit / A toucher ton fond /A gagner / le non-lieu / Où sel et gel / échangent leurs songes /où source et vent / Refont un » ; Il s’agit certes  de voir au-delà des apparences, au-delà du vide, mais de plonger davantage dans le dedans du réel afin de permettre à l’être de se réconcilier avec ce qu’il a toujours connu du monde afin de ne pas s’enfermer dans l’opacité de l’illusion. C’est ainsi que la peinture chinoise, la calligraphie dont parle si bien F.Cheng, ne sont qu’une même forme d’expression poétique susceptible d’éduquer notre regard et d’éveiller notre conscience à l’harmonie du monde.
     Voilà pourquoi les noces du roc et de la racine, du minéral et du vivant habitent l’œuvre du poète, dessinant véritablement un territoire ou une géographie d’instants à la fois rares et fragiles. La pierre si mouvante, faite de rumeurs et de murmures, devient, pour l’être, la promesse d’exister en soi, en «  fixant la sûre demeure de l’instant ». Les poèmes disent la fragilité de cet instant aussi solide que la pierre, la fugacité de notre passage aussi indestructible que le roc, l’impermanent se lit à même cette pierre métamorphique et unique : « ...passent les métamorphoses / Gemmes de grenade / Rubis de paon / Agates et améthystes / de dix mille aurores… » . La méditation se fait autour de la pierre, du galet au météore, le chant s’empare de la part universelle du rocher, évoque les pierres philosophales et tombales, le simple caillou ramassé au cours d’une promenade,  les minéraux fascinantes et maudits et les stèles érigées par les hommes; la pierre se décline alors à l’infini et prend sa mesure jusqu’à l’immense, dépassant celui qui l’observe, acquérant autant de gravité que de légèreté. Ainsi l’être est rendu à ce qu’il est, un regard dont l’infini est à même la terre.  Le rocher semble comme suspendu puisqu’il est, par la plume sensuelle du poète, aussi nécessaire à l’homme que l’arbre céleste, il peut, à défaut de l’arrêter, ralentir le temps, le poète extirpant  l’ingratitude qui se niche au  plus profond de la roche afin d’en faire un déploiement vivant de lave et de fluidité : « Lave et phénix ne feront qu’un ».
   La pierre apprend la patience et l’humilité à celui qui ne fait que passer, mais renouvelle aussi en lui une présence qui dilate le temps et lui donne la certitude d’être bien là, dans l’instant vécu. Le microcosme minéral est alors une concentration de toutes les forces du macrocosme ; de tous ces feux de pierre, de tous ces rocs obscurs et lumineux, naît le mariage cosmique du ciel et de la terre, de l’émerveillement  et du désastre, du silence et de la lumière : «Gouffre de peur, d’effroi / Abîme de douleur / sans fond le mal / à ciel ouvert /à terre  fendre // Au plus fort du carnage / Qui d’autre, jusqu’au cœur  /peut le sonder / sinon ce  cœur/ de chair, de pierre   Nôtre ? ». Méditant inlassablement sur la pierre qu’on ramasse, sur ce qu’il vient de découvrir à l’intérieur de celle-ci, le poète interroge le chemin qui reste encore à parcourir afin de respirer simplement, de regarder humblement ; l’image est alors comme une polyphonie à l’intérieur de la monotonie de l’être agrippé  au monde, tout réapparait à l’intérieur de la vue, l’œil devient paysage : « Blanc rocher aux mousses caressantes / Blonde source prête à la cascade / Le vert venu des profondeurs terrestres / offre ici l’instant mûr pour l’avènement ». Cet univers de pétrification jaillissante incite à une méditation sur le passage, à une réflexion sur les métamorphoses, et permet de faire advenir l’homme, de franchir des seuils comme de superbes épiphanies composées de diamants, d’or, d’argile, d’émeraude, de cristal, de silex ou de jade ; le langage est comme saisi par ce paysage où les rochers, par un jeu d’inversion, finissent par nous regarder, tout se recompose en un monde amoureux du réel ; la sensation épiphanique provoquée par l’essence mystérieuse des rochers, est comme un mystère porté de la forme, comme une proximité du sacré dans le profane, ce condensé subtil de réel et d’imaginaire, de permanent et d’incertain ; si la pierre guide par son étincelante rumeur, mémoire du passé et retour aux origines, la roche fêlée, de son côté, ravive le chant en redonnant vie à l’informe, en brisant au creux de l’impénétrable ce qu’il y a de permanent, la mer peut s’y engouffrer comme le sang circule dans un corps : « A l’extrême de l’automne / Nous parviendra encore / mêlé de mousses et de lilas / L’écho de la cascade / Ravivant le sang / ravivant le chant / Au creux de la roche fêlée » ; entre les murs, se tissent des toiles éphémères, rappelant qu’au cœur des pierres, surgit le secret de la vie, vie légère entre terre et ciel, vie lézardée, brisée ou fissurée par le temps, vie qui perdure au-delà de nous et que nous pouvons vivre, intensément, jusque dans le silence de cette même pierre. L’homme saisit alors la grâce de vivre puisque dans l’ombre immobile des rochers naissent les murmures crépusculaires et les promesses de l’aube ; le souffle du rien et du vide passe au-dessus de celui qui voit ce monde de l’intérieur, ou qui sait le faire résonner par sa parole minérale : « Ouvre les rochers de la profondeur / Le vallon s’écoute et entend l’écho / D’immémoriaux battements de cœur ». L’errance de l’être devient son royaume érigé dans la pierre, ou plus précisément entre les pierres qui se diffractent comme le paysage intérieur de l’homme. La pierre est éclat d’être, désir de beauté, de souffle organique. Tout se voit relié, « la vie advient comme la mort », et une révélation, une apparition inaugurent la promesse d’instants autres à vivre. La finitude n’est plus source d’angoisse car dans le chant du monde se manifeste l’infini dans la permanence des roches et des pierres. L’homme prend conscience que cette vie est un don inouï, un miracle vers l’Ouvert, une fulgurance de l’être. La vérité de la pierre, présente toute entière en chaque être, est à la fois lumière et murmure, résistance et abandon au réel, révélation du chant infini de l’âme : « Bloc intransigeant / Même réduit en miettes / Nous sommes la vie entière // Sous l’ignoble marteau / Chaque bris rejoint tous les cris / Chaque éclat // Clamez l’innocence nue ».
              Ce chant minéral, on le retrouve, comme une continuité poétique, au cœur des images de Still life, film de Zhang-Ke qui évoque un récit patient et contemplatif du barrage des Trois Gorges face aux eaux montantes du fleuve. Nature morte ou eaux stagnantes, il faut, au-delà du message idéologique, regarder, là aussi, du côté de la pierre, pierre en déconstruction, en dégradation, en ruine. La ville brisée par la main de l’homme devient ce qu’il ya de plus beau, de plus vivant ici-bas, elle incarne la mémoire et le passé, chantier spectaculaire à l’instar de ces êtres qui s’y cherchent et s’y perdent, la pierre s’oppose au silence tombal des eaux ; mais la pierre se défend, refuse de disparaitre au profit d’un monde aseptisé. Les résidus de la ville fantôme restent des sommets, le territoire rappelle l’entre-deux de Cheng, entre la vie et la mort, entre le passage et le recommencement, entre la trace et l’effacement : « Pierres / Ignorées / Piétinées / Détentrices pourtant / De la source / De la flamme / Du souffle de l’initiale / / Promesse… ».Les roches sont des squelettes hallucinés, les amas de pierres restent profondément mystérieux et les gestes destructeurs des hommes apparaissent comme absurdes et mécaniques. Leur lutte relève de la survie ;  Zang-Ke  insiste, il faut laisser vivre la pierre, ces vielles pierres qui sont notre mémoire vivante; pourquoi détruire ce qui nous fait ? Les deux personnages principaux l’ont bien compris qui, en quête d’êtres perdus, de temps perdu, s’étreignent dans la béance d’une ruine et, tentent de renouer avec la vie dont ils se sont éloignés. Seule la ville en ruine réanime ceux qui la parcourent sans la toucher, respectant une ville éternelle, précieuse comme l’instant retrouvé. La vie figée est dans le pouvoir de neutralisation de l’eau, avec la pierre qui résiste, c’est la vie humaine qui tente de reprendre ses droits, à l’instar de l’art minéral de Cheng : « Ici la vie vécue/ Ici le rêve perdu / Ici le chant enfoui / Ici le rythme rompu // (…) Que les cristaux de roche / Ont conservé intacts. ». Le cinéaste, comme le poète, capture ce qui existe encore de vivant, une empreinte avant l’oubli et ce qui en restera malgré tout. Les projets de destruction de la pierre font des ouvriers des êtres déracinés, égarés, isolés du monde ou enfouis sous des éboulis parce qu’ils vivent désormais en enfer. Quand les murs s’écroulent, des hommes disparaissent, laissant un  impossible présent en creux. Il n’y a plus de place pour la mélancolie, la nostalgie, le deuil après le déluge, il n’y a plus que le chaos, une terre morte, vidée de sa minéralité, de sa substance ; aussi ce qui relie les deux protagonistes, c’est ce regard profondément poétique qu’ils portent sur une nature séculaire, l’impressionnante montagne indestructible qui garde précieusement ses pierres en son giron ; c’est aussi ce regard qui capte, là encore, l’ancien monde, non pas l’architecture orgueilleuse de l’homme, le projet maoïste, mais le geste humble qui montre un personnage s’amusant avec une pierre, car il existe des choses qu’on ne pourra jamais totalement détruire ou défier, c’est surtout l’image de cet homme, dans le dernier plan du film, qui, entre deux immeubles fièrement délabrés, peut jouer au funambule parce qu’il a appris à vivre avec les ruines, avec ce qui reste des pierres, homme qui redevient humain quand il monte au ciel grâce à elles. La légèreté est celle d’une vie qui ne pèse rien, à peine réelle, en regard des gravats apparents, mais l’image du funambule, magie de la poésie, permet de voir autre chose, comme à la dérobée, image de l’intérieur qui ouvre sur le mystère de cet être aérien gisant dans nos profondeurs intimes, être qui s’élève au-dessus de la roche à force de la contempler ou de la traquer. Zhang-Ke offre à l’homme les nuages avant de regagner la terre. L’espace du désastre appelle un lointain intérieur, l’être demeure dans le silence des rochers, des choses non apprises car elles font partie de lui, et à travers l’obscur, l’insolite mine le tragique, les décombres laissent surgir des images éblouies dans ce ressaisissement de l’être lyrique, tout de suite après la dispersion des pierres.

      Les deux univers aux images fortement minérales sont avant tout un regard poétique sur le monde, un rapport de l’être à ce regard, d’où procède ensuite un acte. Les deux œuvres circulent à travers les pierres et rochers, l’image s’agrippe au monde, résiste à l’éparpillement, frôle constamment la dislocation, mais recompose magistralement les angles et perspectives du réel, pour nous révéler un paysage du dedans et du dehors. L’émotion nait de ce contact avec ces éclats de roche qu’on trouve là où l’on ne s’attendait pas à les trouver et qui vous éblouissent comme la révélation de l’essentiel, l’énigme de l’homme dans laquelle nous reconnaissons la nôtre. Ce que le poète comme le cinéaste voient de l’instant minéral se creuse et se dérobe à l’intérieur de l’être, mais de cette trouée jaillit paradoxalement le désir de confronter l’humain au socle, comme un support redoublé de l’image ; voilà pourquoi celui qui est traversé par ce qui vient au-devant de lui, comme aussi bien par ce qui vient de derrière lui, transmue la roche en vision, la mémoire singulière en mémoire universelle.
    Les images Zhang-Ke rejoignent celles de Cheng dans cette capacité qu’a l’homme à ouvrir ou non les yeux, à vivre humblement mais passionnément l’instant présent, à renouer avec une vie qui s’éloigne d’elle-même, à être à l’écoute des vieilles pierres de peur que nos propres vies n’éclatent dans l’insignifiant. Poétique de la source qui jaillit de l’obscur…là « où se lève le vent de l’unique mémoire».
    Dialectique du mouvement et de l’immobilité, du mort et du vivant, du bruit et du silence, de la résistance et de l’effondrement, du passé et du présent, les deux œuvres, aux images poétiques et lyriques, sont une promesse d’humanité pour qui sait, le souffle coupé, admirer ce qu’il y a de beauté éphémère dans la permanence des choses, dans la Chine intérieure et sa poétique minéralité.

 Sylvie Besson

NB : Toutes les citations sont extraites du recueil de François Cheng, A l’orient de tout, NRF Gallimard.

Cheng


Le souffle des pierres...


François Cheng - Un jour, les pierres

Un jour
Nous vous retrouverons
Sur notre chemin
Pierres
Ignorées
Piétinées
Détentrices pourtant
De la source
De la flamme
Du souffle de l’initiale
Promesse
Vous retrouvant
Nous vous retrouverons
Du pied à la pierre

Still Life de Zhang Ke

Il n’y a qu’un pas
Mais que d’abîmes à franchir
Nous sommes soumis au temps
Elle, immobile
Au cœur du temps
Nous sommes astreints aux dits
Elle, immuable
Au cœur du dire
Elle, informe
Capable de toutes les formes
Impassible
porteuse des douleurs du monde
Bruissante de mousses, de grillons
de brumes transmuées en nuages
elle est voie de transfiguration
du pied à la pierre
il y a qu’un pas
vers la prescience
vers la présence.

Jean Giono



La pierre, la bâtisse d'ombre....





K Kurosawa

 

On a l'impression qu'au fond les hommes ne savent pas très exactement ce qu'ils font. Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d'une ombre de geste pour poser une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c'est la bâtisse d'ombre qui compte.


Jean Giono Que ma joie demeure

,Lionel-Edouard Martin


Et la pierre fut !


Tout homme est bâti sur un gouffre : Padirac en son ventre et l’architecture calcaire de son squelette ; c’est en cela qu’il parle, sa pierre héberge une parole de rivière, aveugle dans l’argile, un chant d’aède sous terre. Ô glaises humaines, mes si profondes qui contenez l’écho de la caverne originelle, ouvrez vos ailes, un peu – que soient perceptibles à l’œil les battement du cœur dans sa gangue de chair ! Poète, je n’invente aucun rythme, mais saisissant la vibration des veines et de la craie, je fraie sa voie jusques aux lèvres, aidant à la poussée comme on épaule la voiture embourbée. Rien de ce qui sourd ne m’appartient, j’accouche un précipice de sa tendresse.
 Extrait de Rapport au calcaire
Dire migrateur, Tarabuste ,Lionel-Edouard Martin 

L'Homme face à la Pierre sensible.....Impitoyable d'Eastwood

Supervielle



A même la pierre, la source de vie .......




Délivrance de Boorman




Gravitations, Supervielle




        Joie rocheuse tu t’élances de toutes parts,

 escaladant jusqu’à la raison du voyageur. Il craint pour 

l’équilibre de son intime paysage qui fait roche de toutes

 parts. Il ferme les yeux jusqu’au sang, son sang qui

vient du fond des âges et prend sa source dans les 

pierres. Le granit et la verdure se disputent le paysage
.
Deux pins au fond du ravin s’imaginent l’avoir fixé. 

Mais la pierre s’arrache du sol dans un tonnerre

 géologique.




James Sacré

La vie intérieure des pierres ?


  
     



L'Homme inébranlable s'efface...........
The Barber des frères Cohen


          Au minuscule moment où j’ai ramassé un caillou
          Mal roulé avec des cassures lisses
    Et des couleurs de feu et de verre brûlé dans la masse de pierre :
       Fugitif rapport entre l’immensité du ciel dans une attente
    et le temps d’un geste pour tenir un caillou dans mon cœur.
                                                                                          James Sacré


Paul Gadenne

Le monde immobile, la force intérieure des pierres !


La plupart des hommes ne supportent ni l'immobilité ni l'attente. Ils ne savent point s'arrêter. Ils vivent mobilisés : mobilisés pour l'action, pour le remuement, pour le plaisir, pour l'honneur. Et pourtant c'est seulement dans les instants où il suspend son geste ou sa parole ou sa marche en avant, que l'homme se sent porté à prendre conscience de soi. Ce sont les moments d'arrêt, les points d'arrêt, les stations, les stationnements qui favorisent le plus en lui l'attention à la vie, qui lui apprennent le plus. Toutes les heures où l'on attend ce qui ne doit pas venir, les chemins sans issue, les voyages sans but, les routes désertes, les jours de pluie, les petites rues de province où personne ne passe, les heures de panne, les journées de maladie, en un mot toutes les circonstances où il n'y a rien à faire, où il faut nécessairement s'arrêter et se croiser les bras, toutes les journées de notre vie que le sort a marquées de grands disques rouges, ces journées-là peuvent être pour nous les plus fécondes ; et je ne craindrai pas de dire que le monde appartient à qui sait se tenir immobile.

(....)
Prenons garde, en effet, que le geste n'est pas tout chez l'homme et que la meilleure façon de connaître n'est peut-être pas de saisir : il y a dans le regard de l'homme qui pense une vérité plus subtile que dans ses muscles. Mais qui s'aviserait d'y songer? Entraîné dans le tourbillon d'une vie qui trop souvent nous happe comme un engrenage, et où certains arrivent à ne plus savoir s'ils dirigent vraiment leur activité ou si c'est leur activité qui les dirige, qui songerait à prendre du recul sur le monde pour l'envisager dans cette vérité plus subtile, dans ce domaine où il n'est que pour lui-même, non plus selon nos gestes, nos besoins, nos désirs, mais seulement selon son existence à lui, loin de nous, dans cette clairière paisible et lumineuse où les bras des hommes cessent d'être tendus et simplement reposent le long de leur corps?.. Mais nous ne savons plus arrêter nos gestes ; nous voulons être sûrs que notre cœur bat ses soixante-dix coups par minute, que nous ne perdons rien de ce qu'il faut faire ni de ce qu'il faut voir ; nous n'osons plus pénétrer nulle part les mains dans les poches, de peur d'être pris pour des oisifs. Et nous ne voyons pas qu'en nous hâtant de toucher aux choses et de les prendre, nous risquons de ne plus les comprendre et même de les perdre à jamais...
Mais ici, il nous faut détruire un préjugé. L'attitude qui consiste à s'arrêter, à se choisir un point d'arrêt et à s'y tenir, comme celle qui consiste à se tenir à distance des choses, cette attitude exige un jugement, elle exige un recueillement, un rassemblement de soi qui est un effort. Il faut plus de force pour s'arrêter, dans le sens où je dis s'arrêter, que pour continuer sa marche ou son geste. Les physiciens savent bien que le mouvement n'est pas une preuve contre l'inertie.
Aussi bien voyons-nous que les grandes œuvres ont presque toujours été conçues hors des sphères de l'agitation. Voyez comme, pour n'invoquer que la littérature, les grandes révélations sur l'âme humaine nous sont venues d'hommes dont la vie a été bien peu chargée d'événements : on sait vite ce qu'il faut savoir de la vie d'un Virgile, d'un Dante, d'un Montaigne, d'un Racine, ou d'un Pascal. Ils ont presque tous eu leur asile, un champ, une tour, un cloître auquel leur vie s'est limitée, et c'est de là qu'ils ont refait en eux le monde avec ses aventures, ses passions, ses aspirations, ses désirs. Plus près de nous, c'est dans les cadres d'une vie toute bourgeoise que le grand romancier anglais Thomas Hardy a imaginé ses héros sombres et véhéments. Et faut-il citer le nom d'un de nos plus importants romanciers d'aujourd'hui, Marcel Proust, qui passe dix-huit ans de sa vie enfermé dans une chambre aux parois de liège au seuil de laquelle expiraient les bruits du monde, et vivant là la plus étonnante des aventures intérieures?
Bien plus, certains hommes ont pu trouver non seulement dans le calme mais dans la réclusion le bienfait d'une expérience dont l'ampleur, dont l'intensité a bouleversé leur vie.
Il y a, vous le savez, dans la vie de Dostoïevski, un épisode atroce dont l'idée même nous semble intolérable : ce sont les quatre ans qu'il vécut au bagne, en Sibérie, ces quatre ans dont il dit dans une lettre à son frère : "j'ai passé ces quatre ans derrière un mur, ne sortant que pour être mené aux travaux..." Eh bien, c'est de cette période de sa vie, où il vécut seul, sans livre, sans un mot des siens, qu'il écrira ailleurs, toujours en s'adressant à son frère : "ce qu'il est advenu de mon âme et de mes croyances, de mon esprit et de mon cœur durant ces quatre ans, je ne te le dirai pas, ce serait trop long. La constante méditation ne m'aura pas été inutile. J'ai maintenant des désirs, des espérances qu'auparavant je ne prévoyais même pas." C'est un renouvellement, une recréation de tout son être. Et la conclusion de cette captivité, de ces années de privation et de travaux forcés, passées dans un des plus durs pays qui soient, alors qu'il sent en lui tant de forces avides de mieux s'employer et que sa carrière d'écrivain est encore à faire, la conclusion de tout cela, c'est cette phrase admirable que nous trouvons à plusieurs reprises dans sa correspondance : "Frère, il y a beaucoup d'âmes nobles dans le monde." Qui ne comprendra tout ce que non seulement l'être, mais l'œuvre de Dostoïevski a pu gagner à ces quatre années de méditation "derrière un mur"?.. "J'avais bien des aspirations, dit un de ses personnages dans l'idiot, mais il me parut qu'on pouvait, même dans une prison, trouver énormément de vie. (....)



Metropolis de F Lang

Le mal, mes chers amis, c'est que la société nous a habitués à vivre paresseusement. Cette paresse, cette nappe d'inertie qui gît en tout homme, au-dessous de toutes nos énergies, menaçant toujours de les noyer, il semble que la vie moderne ne l'exclut pas, il semble même qu'elle la favorise, principalement sous l'aspect de la dispersion. L'homme d'aujourd'hui est constamment sollicité à sortir de soi ; il appartient de plus en plus à la foule et à la rue; il est disponible à tout, sauf à lui-même ; et une âme collective, une âme grégaire tend de plus en plus à remplacer en lui son âme singulière et personnelle. 
Ce n'est pas tout! Le mal est encore que la société moderne répond à tous nos besoins. Le mal est qu'elle nous fait perdre le goût de l'initiative. Le mal est qu'elle nous fabrique en masse, sans que nous le lui demandions, des distractions et de la pensée, et que nous acceptons ces distractions toutes faites et cette pensée toute faite, qui nous arrive par la T.S.F. ou par le journal, nous acceptons cette pensée et ces plaisirs pour tous comme si nous étions heureux de nous laisser asservir et comme s'il fallait nous laisser pourvoir de tout par les autres, comme s'il fallait que plus rien ne vienne de nous, que tout effort nous soit épargné, même pour nous distraire ; comme si la littérature enfin, et le théâtre, et la philosophie et les beaux-arts n'étaient faits que pour servir de passe-temps, pour constituer une espèce de distraction inoffensive à l'usage des gens ennuyés, un petit délassement digestif et sans danger pour les après-midi le dimanche! Disons-le très franchement : il n'y a nul profit à tirer de ces notions que nous n'avons pas désirées et qui nous arrive pêle-mêle, sur le même plan, sans que nous ayons eu à les recréer en nous. "Je suis fait d'un esprit, dit Valéry, qui n'est jamais sûr d'avoir compris ce qu'il a compris sans s'en apercevoir". Prenons-nous jamais le temps aujourd'hui, de nous apercevoir que nous avons compris quelque chose?.. On fait tout, au contraire, pour nous apprendre à nous contenter de cette pensée courante, anonyme, qui nous semble le comble de l'actualité et qui nous arrive déjà fanée et vieillie, le temps d'avoir traversé la rue. De sorte que nous avons toute chose à portée de la main, sauf nous-mêmes. Nous ne sommes plus des hommes d'intérieur, et ne nous inquiétons plus de l'être. Ce qui pénètre chez nous n'est que l'écho d'une rumeur étrangère et lointaine. Pour mieux dire, nous avons déserté notre logis, nous en avons fermé les portes, derrière nous, nous nous sommes assis sur le trottoir, et nous avons pris l'habitude de penser dans la rue.
Cette vie intérieure que nous méprisons, c'est pourtant par elle, c'est en sauvegardant au fond de soi un refuge, si humble soit-il, que l'homme peut arriver à se superposer à sa tache, à son activité sociale, à lui-même. C'est en se distinguant qu'il se pose, et qu'il acquiert le droit de compter. Ce qu'il donne, il faut d'abord qu'il le fasse, qu'il le crée de sa substance, pour qu'il ne risque pas de donner ce qu'il s'est contenté de prendre ailleurs. C'est à cette condition qu'il sera réellement agissant et vivant. Car la vie, mes chers amis, cela ne se ramasse pas sur le pavé.  


Paul Gadenne

.Pirotte


Les pierres éclatées ou ...." la vie des ruines"!

Le temps d'aimer et le temps de mourir de Sirk
[...] Je l'ai tant rêvé, ce pays, que lorsqu'un jour je me suis avancé dans la profusion des vignes vers l'horizon de schiste et d'ardoise où l'Alzeau m'attendait, parmi bien d'autres miracles forestiers, j'ai cru le reconnaître, non, je l'ai, dans l'intimité profuse d'un accord enfin consacré, ce pays, je l'ai simplement épousé. Dans ces terroirs jamais pareils et profondément parents, de la garrigue aux escarpements dédaigneux, des piémonts enrubannés aux gorges d'un austère et fascinant empire, je me suis découvert, et soudain respecté. Il me semble qu'enfin mon identité difficile et menacée, lumineuse et brutale, trouvait enfin sa raison d'être et que j'étais réconcilié. Je vis ici. J'ai cherché vers les monts de Thrace ou les serras portugaises, au bord des puys ou des dépressions de l'automne en Galice, au coeur brûlant des reculées ou dans les éboulis des combes, j'ai cherché le pays qui n'était que le mien, d'autant plus ignoré qu'il se tenait en moi, face à mon aveuglement de traînard un peu relaps et sans aveu. M'y voici donc, bouleversé par le souverain souffle des provinces.

En Cabardès, Pirotte

Baleine, Paul Gadenne

La blancheur des choses : la pétrification en marche.....


Le Gout de la cerise


Elle était blanche, d'un blanc fade, comme le blanc du lait épanché. Ce blanc-là était bien à elle. C'était un blanc sans lumière, un blanc gelé, entièrement retourné sur lui-même, tournant le dos à toute gloire, avec une résignation à peine pathétique, vraiment le blanc d'une baleine qui ne faisait pas d'histoires, qui fuyait l'éloquence et défiait terriblement les mots ; une baleine d'un naturel très simple, en somme très proche de nous. Ce blanc aurait pu être celui de certaines pierres, dont l'effort vers la transparence s'est heurté à trop d'opacité, et dont toute la lumière s'est tournée vers l'intérieur.

Baleine, Paul Gadenne

mercredi 2 janvier 2013

Jourdan


LES TRACES VISIBLES DES PIERRES !

Marcher.......

Le coeur des pierres....Bergman


J’irai ainsi, hors des murs, la bouche pleine de graviers. En attendant, je m’avance dans cet espace qui ne se connaît pas, qui ne me retient pas, me laisse libre mais de cette liberté que le moindre son de ma sonnette pétrifie. La cigale a cessé de chanter, le pin murmure encore. Suis-je pin ou cigale, compagnon ? Je n’entends que le bruit aigre de l’insuffisance. peut-être ne sonnes-tu pas assez fort ?

Jourdan



Paris-texas de Wenders



Les trois pierres

Au soleil d’aplomb il palpite comme une longue bête avec sa fourrure de pins qui le désigne.Entouré de fumées rasant les terres il paraît le seul fermement accroché. Bête assagie, heureuse, humant les collines. Sous ses remparts démantelés glissent les chemins d’oubli, les chemins à vif. Dans ses caves profondes l’empreinte vertigineuse de la mer.Il va dormir de mon sommeil. Je n’emporte que le saut joyeux de l’aube qui va pour le nommer, mais qui hésite à inscrire sur la pierre la masse de son secret. Ainsi restera-t-il ouvert et sous la voûte des ruelles résonnera la course des enfants.J’ai quelques instants, tenu ces visages dans mes mains, soudain dépossédées. Je laisse tout en ordre. Nul ne s’apercevra de mon passage. Ceci est bien et respecte la secrète noblesse du pays.

Jourdan, Le bonjour et l’adieu,



mardi 1 janvier 2013

Benoit Conort




    Les pierres lyriques: chant funèbre ou lumière d' étoiles filantes


    « Par la musique que la poésie - c'est-à-dire 
     Le lyrisme - 
     Retrouve un monde où déployer sa durée, forçant les portes de la mort 
     Sa belle pierre d'attache»

    La Météore de la nuit, Guetter
      Benoit Conort