jeudi 3 janvier 2013

Sylvia Plath


De pierre en nuage......


Lettre d'amour 

Pas facile de formuler le changement que tu as fait en moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, indifférente totalement,
je restais là immobile suivant mon habitude.
Tu ne m'as pas seulement bougée d’un pouce, non -
Ni même laissé ajuster mon petit Œil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, bien sûr,
Une femme sous influence de Cassavetes
De pouvoir saisir le bleu, ou les étoiles.
Ce n'était pas ça. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires comme une roche noire
dans le hiatus blanc de l'hiver -
Comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement polies
Qui se posaient à tout moment afin de faire fondre
Ma joue de basalte. Et elles devenaient larmes,
Anges pleurant sur des natures monotones,
Mais je n'étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.
Et je continuais de dormir, comme un doigt tordu
La première chose que j'ai vue n'était que de l'air pur
Et ces gouttes enfermées qui montaient en rosée,

Limpides comme des esprits. Tout alentour
Beaucoup de pierres compactes et inexpressives
Je ne savais pas quoi faire de cela.
Je brillais, écaillée de mica,
et déroulée pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d'oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’étais pas laissé berner. Je t'ai reconnu aussitôt.
L'arbre et la pierre scintillaient, sans ombres.
La longueur de mes doigts a grandi, lucide comme du verre.
J'ai commencé à bourgeonner comme rameau de mars :
Un bras et une jambe, un bras, une jambe.
De pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, âme tournoyante,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don.

Sylvia Plath

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