Le corps universel de Mandelstam...
Un corps me fut donné – pour quelles fins? -
Ce corps qui est un seul, tellement mien.
Ce bonheur serein, vivre et respirer,
Qui, dites-moi, dois-je en remercier?
Je suis le jardinier, la fleur aussi,
Au cachot du monde point seul ne suis.
Mon souffle, ma chaleur ont embué
Déjà la vitre de l’éternité.
Si du dessin s’y incrustent les traits,
L’instant d’après nul ne les reconnaît.
Que de l’instant s’écoule la buée!
La chère esquisse n’en sera brouillée.
Ossip Mandelstam , La Pierre
Le Cirque de Chaplin |
Ma dépouille d’emprunt, je ne puis
La rendre en papillon de farine,
Mais je voudrais qu’en rue, en pays,
Mon corps pensant se change et chemine,
Mon corps vertébré, carbonisé,
Conscient de sa taille en vérité.
Clameurs vert sombre des conifères,
Couronnes profondes comme un puits
Qui attire la vie, ce temps fier,
Sur des affûts de mort en appui —
Drapeaux rougeoyants des rameaux verts,
Cerceaux-couronnes élémentaires !
Et les derniers appelés s’avancent,
Camarades dans un ciel durci,
Puis l’infanterie défile en silence,
A l’épaule les cris des fusils.
Et frappant l’air les salves résonnent,
Prunelles grises, brunes ou bleues,
En rangs brisés — des hommes, des hommes…
Qui reprendra le flambeau pour eux ?
Ossip Mandelstam, Cahiers de Voronèje
________________________________________________________________________
Conseil de lectures ........
Et de nombreux poèmes de Mandelstam sur *Terres de Femmes* (Angèle Paoli), et * Enjambées Fauves" (Valérie Brantôme), voir tout en bas de page : Trans-sphères.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire