LE MIROIR A SES PROPRES FELURES !
MORSE de T ALFREDSON.
Les consolations
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.
En ce qui me concerne la consolation comme un chasseur chasse le gibier
Partout où je crois l'apercevoir dans la forêt, je tire.
Souvent je n'atteins que le vide mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps d'un souffle de vent dans la cime des arbres, je me dépêche de m'emparer de ma victime.
Qu'ai-je alors entre mes bras ?
Puisque je suis solitaire : une femme aimée ou un compagnon de voyage malheureux. Puisque je suis poète : un arc de mots que je ressens de la joie et de l'effroi à bander.
Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté. Puisque je suis menacé de mort : un animal vivant et bien chaud, un cœur qui bat de façon sarcastique. Puisque je suis menacé par la mer : un récif de granit dur.Mais il y a d'autres consolations qui viennent à moi sans y être conviées et qui remplissent ma chambre de chuchotements odieux : je suis ton plaisir - aime-les tous !
Je suis ton talent - fais-en aussi mauvais usage que toi-même ! Je suis ton désir de jouissance - seuls vivent les gourmets !
Je suis ta solitude - méprise les hommes !
Je suis ton aspiration à la mort - alors tranche !
...Elles ne peuvent faire oublier le duel avec la peur où la vie cherche sa souveraineté. Il faut, en opposant la force des mots à celle du monde, se défaire de toutes les fausses consolations pour la seule consolation réelle : celle qui me dit que je suis un homme libre, un être souverain à l’intérieur de ses limites.
C’est pourquoi le malheur se comprend aussi comme une chance. C’est pourquoi le malheur se partage entre désir et désespoir et permet à l’affligé d’implorer la liberté. Le cri de celui qui souffre fend le mal et lui permet de distinguer, à travers la permanence de sa douleur, un mirage, les bords estompés de la vie dont il est privé : [...] il n’existe pour moi qu’une seule consolation qui soit réelle, celle qui me dit que je suis un homme libre, un individu inviolable, un être souverain à l’intérieur de ses limites.
STIG DAGERMAN
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