mercredi 19 décembre 2012

Bernanos



Remonter les ombres jusqu'à l'Aurore......

Quand le soir tombe sur cette terre tropicale qui connait à peine l'homme, sans passé, sans ouvenirs, et pourtant si pauvres sous l'inébranlable soleil, usée jusqu'à l'os, jusqu'à son squelette de fer, par ses végétations dérisoires, inutiles, d'arbres tordus, grimaçants, tétaniques, au coeur plein de fourmis, d'herbes aigues, de fleurs exsangues -cette terre usée avant d'avoir servi, je me demande si j'ai vraiment dépassé la marge de solitude après quoi tout retour est fermé.Puis un vent se met à souffler, venu de nulle part, tombé du ciel, absolument étranger à ce pays, auquel les feuillages répondent seulement par un cliquetis métallique, et les crapauds dorés d'un bref spasme, à peine audible, de leur gorge de cristal. Je pense soudain que toute solitude a son issue, mais qu'il faut la trouver plus avant, qu'il faut remonter la solitude, ainsi qu'on remonte la nuit, jusqu'à l'aurore. Que chaque pas fait aujourd'hui vers ceux qui m'attendent , paraisse m'éloigner d'eux, ce n'est là qu'un piège, un mirage. Qu'importe où je les voie, puisque le sens de la vue est le plus trompeur de tous? je les rencontrerai tôt ou tard où ils sont, et le miracle serait que nous soyons, eux et moi, précisément là où nous croyons être.
Bernanos. Les Enfants Humiliés


Le Narcisse noir de Powell


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