vendredi 28 décembre 2012

Huysmans



Le Regard de l'Ange ou la pesanteur de l'Homme 

Un autre jour une pieuse veuve, qui la soignait et qui n’ignorait point que les anges se révélaient à son amie sous une forme sensible, la supplia de lui en montrer un.
Lydwine, reconnaissante à cette femme, qui était très probablement la veuve Catherine Simon, de tant de bons soins, implora le Seigneur et, après s’être assurée que sa prière était accueillie, elle dit à la veuve :
— Agenouillez-vous, ma très chère, voici que l’ange que vous désirez connaître vient.
Et l’ange jaillit dans la chambre sous la figure d’un jeune garçon dont la robe était tissée de fils de feux blancs. Cette femme était tellement enchantée qu’elle était inapte à proférer une seule parole pour exprimer sa joie. Alors Lydwine, réjouie de la voir si contente, demanda :
— Mon frère, voulez-vous autoriser ma soeur à contempler, ne fût-ce que pendant une minute, la splendeur de vos yeux ?
Et l’ange la fixant, cette femme se souleva hors d’elle-même et, durant quelque temps, elle ne fit plus que gémir d’amour et pleurer, sans pouvoir dormir ou manger.
Lydwine disait quelquefois à ses intimes : je ne connais nulle affliction, nul mésaise qu’un seul regard de mon ange ne dissipe ; son regard opère sur la douleur comme un rayon de soleil sur la rosée du matin qu’il évapore. Imaginez-vous donc de quelles allégresses le Créateur inonde ses élus dans le ciel, puisque la vue du moindre de ses anges suffit pour disperser tous les maux et nous dispenser une jubilation qui surpasse de beaucoup toutes celles que nous pouvons, ici-bas, attendre.
Et elle ajoutait : il sied d’aimer et de vénérer ces purs Esprits qui, bien que très supérieurs à nous, consentent cependant à nous protéger et à nous servir ; et elle-même donnait l’exemple à ses fidèles en récitant devant eux cette prière :
« Ange de Dieu et bien-aimé frère, je me confie en votre bénéficence et vous supplie humblement d’intercéder pour moi auprès de mon Époux, afin qu’il me remette mes péchés, qu’il m’affermisse dans la pratique du Bien, qu’il m’aide par sa grâce à me corriger de mes défauts et qu’il me conduise au Paradis pour y goûter la fruition de sa présence et de son amour et y posséder la vie éternelle ; ainsi soit-il. »
L'ange connait le Mal.....La Leçon de piano de Jane Campion
Cet ange gardien, qu’elle exortait de la sorte, se plaisait à venir la chercher et à l’emmener, en esprit, promener.

Sainte Lywinde de Schiedam de Huysmans


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