mercredi 6 février 2013

Angèle Paoli


Les eaux limpides du miroir....


Nausicaa au miroir


Nausicaa, 

couchée dans ton lit d 'asphodèles nid et nœud

tu tresses silencieuse

les lierres enchenillés au chèvrefeuille


[quel adjectif autre que ― virile viride ―

pour dire la fémin-îlité d'une image

d'une phrase d'un style d'une offrande

d'un rêve à la mue printanière]


fougères volubiles enroulées aux tiges roides

et ton sexe noué suave végétale au tronc qui t'accueille

lascive tu enlaces de tes bras de tes cuisses

le membre herbu de l'arbre échoué sur la plage

et tu danses nue la fière sarabande apprise de tes aïeules


― ronde boucle portée à tes lubies de lune

pierre exacte dressée dans ses eaux ―


Nausicaa, fille d'Arété,


tu brûles tes encens

dans le chant qui t'immole

bruyère de soleil déployée à ta couche

et voilà que jadis te revient en mémoire

toi qui jamais ne rêves du rêve qui te rêve


qui es-tu ― hypomée douce de hasard ―

qui chante dans sa source

innocente du fiel et du miel de tendresse


un oiseau d'eau ― talève sultane calandrelle cendrée ―

déroule quelques notes flûtées

grains d'ellébores en chapelet

de pluie de gouttes de rosée


Nausicaa, fille d'Alcinoos,


tu rêves tu défais

les boutons cuivrés de la veste bleu roi

qu'il t'a laissée en souvenir de lui

tu les roules entre tes doigts

les fais reluire aux voiles d'eau de ta tunique

ils brillent ronds et lourds pareils aux nectarines de tes seins


une autre fauvette hypolaïs bavarde lance ses trilles ― arbre touffu ―

tu guettes hors de ta couche d'asphodèles

la venue du printemps ― féminité de l'air qui glisse sur ta joue ―

la solitude de ce jour point ne te pèse

elle te prend dans ses mots filaments

étirements fluides à même la peau du ciel


― crocus mauves en corolles à foison au revers des talus ―

Demain est un autre jour de Douglas sirk


Nausicaa,

confie-moi ton rêve

le bateau qui s'éloigne

vers quelle tempête cingle-t-il

et ce sourire d'elle qui t'effleure

pourquoi vient-il te visiter

est-elle morte est-elle vive

pareille à l'eau qui ne se peut saisir

musique fraîche au vallon

qui rythme sa cascade sur la mousse


Nausicaa,

te voilà à la source claire

penchée sur la vasque ― eaux limpides au miroir ―

tu te berces de songes

et t'enivres aux volutes de son rire

foisonnement de perles à l'émail de ta bouche


Nausicaa,

je te lis

dans ton ombre

et me mire

― en tes secrètes

évasions

Vestale du désir.


Angèle Paoli

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