Mourir avant l'heure !
Il quittait le lit, s'approchait de la
fenêtre, regardait la rue, une rue vulgaire, laide, silencieuse, mesquinement
éclairée, puis allait dans la cuisine, mettait de l'eau à bouillir et se
faisait du café, et parfois, pendant qu'il buvait du café chaud et sans sucre,
un café merdique, il allumait la télé et se mettait à regarder des émissions
nocturnes qui arrivaient des quatre coins cardinaux du désert, à cette heure-là
il captait des chaînes mexicaines et nord-américaines, des chaînes de
handicapés déments qui chevauchaient sous les étoiles, se saluaient avec des
paroles incompréhensibles, en espagnol, en anglais ou en spenglish, mais toutes
incompréhensibles, ces foutues paroles, et alors Juan de Dios Martinez posait
sa tasse de café sur la table, se couvrait la tête de ses mains, et un
hululement faible mais distinct s'échappait de ses lèvres, comme s'il pleurait
ou luttait pour pleurer, mais lorsque finalement il retirait ses mains il n'y
avait, éclairée par l'écran de la télé, que sa vieille gueule, sa vieille peau
stérile et sèche, sans la moindre trace de larme.
L'Homme sans passé, Kaurismaki |
Roberto Bolaño, 2666
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