A un geste de la Mort, toujours !
Way Down East de D W Griffith |
Dans les rues du matin
sa joie sautillante, inaperçue des passants préoccupés.
Elle était l’éblouissement trouble de ce court fragment de liberté.
Poussière grise de la lumière de ce jour de pluie.
Le feu végète dans la cheminée.
La maison est un peu froide.
Il se pourrait que, dans ce cocon paralysé, nul d’entre nous n’existât réellement ; jamais n’eût existé.
En de tels jours d’enrobement narcotique, peut-être notre sensibilité est-elle conviée à imaginer celui des morts ?
C’est dimanche.
Venise — pétrifiée
fille du délaissement.
Elle était enfouie sous le duvet laiteux des fourrures, un immobile sourire dans les yeux.
Ruelles griffonnées où nous marchions seuls.
— Je me sens plus hautaine que la ville.
Premiers flocons d’une petite neige.
Qu’est-ce que comprendre ?
S’inverser.
Margelle de la nuit.
Avec ton clair visage, tes caressantes lèvres, ton pur regard, tes gestes gais de menteuse.
Mouvement sur le sol à peine perceptible, d’une apitoyante, émouvante lenteur ; maladresse dans une direction qui s’ignore, soudain se contrarie, se reprend, se reperd, s’obstine à se perdre, à se reprendre — sur le sol hostile, mouvement qui est imitation, parodie, essai ivre, toutefois persistant.
Infinitésimal signe de vie — qui lutte, obéit à sa pensée, à son vouloir, tente d’obtenir - quoi ? de vivre.
Un brusque déplacement, et c’est la mort.
Notre mort — qui est ce déplacement.
Louis Calaferte, Le Sang violet de l’améthyste, © Éditions Gallimard, 1998.
Repris sur le magnifique Blog poétique Enjambées Fauves, merci à Valérie.
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