La vague ou le miroir des profondeurs....
La vague transversale
Hana-Bi de Kitano |
..... La lame accourt en se gonflant, s'aiguise sur sa crête, se verse et puis déferle
en s'étalant avec le bruissement un peu froissé d'un long soupir, doux et léger,
qu'on perçoit cependant déjà dans l'encore du grand fracas de l’eau cognant sur
le rivage. Un éventail qui s'ouvre en captant le soleil, une main qui caresse,
le coup preste de la baguette d'une fée qui maintient un instant, lisse et fine, la pellicule
d'eau comme un miroir vivant, étiré à l'extrême, transparent au plus haut de la
pente conquise. - Et là, dans le moment d’hésitation du ressac suspendu,
beaucoup plus faible mais triomphant déjà de la faiblesse de la force lorsque
tout bouge encore, naît et se met à courir la vague transversale, presque
terrestre, qui semble balayer, ramasser, cueillir la mer épanouie, régner sur
elle, rejeu du jeu, la dominer elle qui ne vient de nulle part et que n'appuie
aucun passé, la minuscule, l'éphémère - visible à peine sur le fil de son
relief, juste comme un frisson, mais tout à coup unique et seule et tout à coup
puissante assez pour repousser le puissant océan toujours inexplicable, oui,
pour le reconduire en toute modestie et souverainement, le ramener à ses
profondeurs.
Armel Guerne, Le Poids vivant de la
Parole.
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